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E49a - L’eau potable dans les quartiers periurbains précaires et les bidonvilles : situation actuelle et problématique

1) De quoi s’agit-il ? 

De voir, après avoir rappelé les principaux problèmes qui se posent dans les zones d’habitat précaire , informel ou de bidonville, quelles sont les difficultés mais surtout les moyens techniques, sociaux , juridiques ou de gouvernance qui peuvent faciliter l’accès à l’eau de leurs habitants.

Pour les moyens techniques disponibles pour l’adduction d’eau dans les bidonvilles, merci de vous reporter à la fiche E 49 b, pour ceux relatifs à la distribution de cette eau à la fiche E 49c et pour ceux relatifs à la gouvernance et au mode de gestion à la fiche E 49d.
Pour les problèmes spécifiques à l’assainissement, merci de vous reporter aux fiches A 15 et A 16.

2) Qu’entend-on par zone d’habitat précaire, d’habitat informel et de
Bidonville ?

Leur définition varie selon les auteurs et les pays. Les définitions les plus courantes sont les suivantes :

- Une zone d’habitat informel, parfois appelée aussi zone de « quartiers spontanés », est un ensemble touffu de constructions sordides ou de taudis réalisées sans la moindre autorisation sur des lieux publics ou privés situés généralement en périphérie des villes. Le « droit à l’eau »y entre alors en opposition avec le « droit de propriété ».

- Un habitat précaire est une construction provisoire, de caractère généralement insalubre ressemblant à un taudis, mais qui n’est pas forcément située dans une zone d’habitat informel et peut donc être tout à fait licite.

- Un bidonville est une zone d’habitat dense, précaire, insalubre et le plus souvent informel (mais pas forcément non plus, certains s’étant créés depuis longtemps dans les quartiers les plus déshérités des villes ou ayant fini par être, bien qu’informels, reconnus par certaines municipalités et donc tolérés)

Pour l’un-Habitat, un bidonville est un lieu où les logements vétustes n’assurent pas à leurs habitants une protection contre de mauvaises conditions climatiques, ont une surface insuffisante (plus de 3 personnes par pièce), sont éloignés d’un point d’accès à l’eau à un prix abordable, ne disposent pas au moins à proximité de toilettes et ne bénéficient d’aucune sécurité juridique foncière les mettant à l’abri d’expulsions. Mais ce sont surtout pour la plupart des habitats misérables, auto-construits précipitamment et sans autorisation les uns sur les autres sur des terrains peu propices (zones inondables, marécages, fonds de vallées, flancs de collines non stabilisés…) difficiles d’accès et dépourvus de services publics.

On peut d’ailleurs rencontrer tous les types d’habitat précédents dans une même ville ou un même quartier car les conditions techniques, sociales et économiques de lieux pourtant voisins peuvent varier sensiblement, ce qui ne simplifie pas la solution des problèmes. Ils recouvrent des réalités différentes puisqu’ils vont de quartiers périphériques sordides informels et non reconnus à des quartiers à forte densité en pleine ville mais très pauvres.



Bidonville de Sao Paulo (Brésil). Photo Wikipedia


Les villes se développent d’ailleurs beaucoup, tant en hauteur qu’en surface, mais les problèmes différent sensiblement selon qu’on se trouve dans une zone urbanisée de façon planifiée et autorisée ou dans une zone sans plan d’urbanisme.

Précisons enfin qu’on distingue aussi assez souvent deux catégories d’habitats précaires informels :

- les regroupements d’habitats précaires ou de taudis construits spontanément et le plus souvent sans aucun droit de propriété ou de location

- les zones de taudis déjà anciens et également insalubres, mais dont le statut d’occupation a fini par être admis et légalisé par les pouvoirs publics dans l’espoir notamment de pouvoir y aménager ensuite, dans le cadre de plans d’urbanisme, de nouveaux quartiers, parfois appelés « slums areas », souvent un peu moins mal traités par les municipalités

Plusieurs études réalisées en Afrique ont toutefois montré que la plupart de ces types d’habitat présentent certaines caractéristiques communes telles que :

- un manque crucial d’accès à l’eau potable en quantité et en qualité suffisantes,

- une diminution importante des bornes-fontaines publiques et de leurs facillités d’utilisation,

- une faible consommation d’eau des habitants, souvent limitée de 5 à 30 lites d’eau /jour, achetée et payée en majeure partie chaque jour plutôt que sur facture ou cotisation mensuelle, à de petits revendeurs ou à des voisins,

- un prix de l’eau dans les bidonvilles très nettement supérieur à celui de l’eau du réseau public.

- la préférence des ménages pour se fournir en eau à des sources différentes selon les jours, leurs ressources du moment, la saison ou l’éloignement (bornes-fontaines, kiosques à eau, puits ou forages privés équipés de pompes…),

- l’émergence d’une certaine « capacité et volonté à paiement » de plusieurs familles ou quartiers qui, constatant le montant élevé de leurs achats à des revendeurs d’eau sont prêts à investir, moyennant des facilités de paiement, dans la réalisation de nouvelles installations ou de branchements privés.

Tout cela met en évidence qu’avant d’envisager d’intervenir dans une telle zone, il est impératif de faire d’abord une enquête approfondie sur ses caractéristiques tant techniques, qu’économiques et socioculturelles ainsi que sur les besoins réels et les attentes de la population et se ses leaders locaux car il ne faut pas oublier que ce sont eux qui sont les plus capables de le faire et de devenir les meilleurs acteurs de leur développement.

Pour plus de commodité, nous désignerons dans cette fiche sous le terme commun de « bidonvilles » chacun de ces divers types d’habitat.


3) La problématique des bidonvilles

Dans les pays en développement, une partie considérable de la population urbaine (plus de 950 millions de personnes, soit près d’un tiers de la population urbaine mondiale selon UN Habitat) habite encore au siècle des i-phones et des tablettes dans des quartiers sordides qui ont un accès très limité aux services de base. L’approvisionnement en eau potable et l’assainissement de ces quartiers sont la plupart du temps inadéquats, voire quasi inexistants, ou coûtent beaucoup trop cher pour les populations pauvres qui y résident.

Paradoxe : ce sont les habitants les plus pauvres qui paient leur eau le plus cher, faute de pouvoir se brancher sur des réseaux publics, ce qui les oblige à l’acheter à prix fort (souvent 2 ou 3 mais jusqu’à 30 fois plus élevé que le prix public) à des petits revendeurs privés.
Ainsi, dans les bidonvilles de New Dehli, ce prix est 4,9 fois plus élevé, à 5 à 6 fois à Ouagadougou (Burkina Faso) et à Port au Prince (Haïti), et même 20 à 25 fois plus à Lima et à Djakarta…

La situation en matière d’assainissement est hélas encore pire que pour l’eau et entraine de nombreuses maladies et facilite les épidémies. L’un des bidonvilles les plus importants d’Afrique, celui de Kibera (Narobi) a même été surnommé le bidonville des « toilettes volantes », de nombreux habitants jetant, faute de toilettes, leurs excréments par les fenêtres dans des sacs en plastique…



Crédit : Gado WSP


Ces problèmes sont aggravés par la croissance démographique et l’urbanisation rapide et souvent désordonnée de la plupart des pays en développement.
La population urbaine mondiale s’accroit en effet actuellement de plus de 10 millions de personnes par an.
S’il a été heureusement possible, selon les Nations Unies, d’extraire 227 millions de personnes des bidonvilles au cours des 12 dernières années, le nombre de leurs habitants s’accroît d’environ 10% par an et risque, selon UN Habitat, d’atteindre les 3 milliards d’ici 2050 …De même, si rien n’est entrepris, et sans nouvelle politique novatrice d’aménagement du territoire pour freiner l’exode rural, il est à craindre que la moitié des 300 millions d’Africains vivant en Afrique en milieu urbain habiteront en 2020 dans des bidonvilles… 
On constate en outre de plus en plus de catastrophes liées à des tremblements de terre ou à des inondations qui frappent durement et en tout premier lieu les habitants des bidonvilles. 
 
Or, les municipalités des grandes villes, comme les grandes sociétés de distribution d’eau à qui elles en délèguent parfois la production et la distribution n’arrivent pas à faire face à l’augmentation de la demande, sont désemparées face aux catastrophes et surtout n‘ont pas, dans de nombreux cas, la volonté politique ou sociale de s’attaquer vraiment à ce fléau.. 


Photo Caritas 

Alors, que faire ? 
Quel rôle peut jouer dans de telles situations la population et la façon dont elle s’organise pour répondre à un tel défi ?
Que se passe-t-il souvent en pratique, faute de mieux, avec les nombreux petits opérateurs privés, voire informels, mais en réalité incontournables qui revendent l’eau indispensable aux particuliers à un prix souvent bien supérieur à celui de l’eau fournie par le raccordement au réseau municipal ? Comment essayer d’éviter ce paradoxe que l’approvisionnement en eau coûte finalement beaucoup plus cher aux populations les plus pauvres qu’aux populations plus favorisées ?

Tel est l’objet de cette fiche et des différentes solutions envisageables ou pistes de réflexion.
Mais vaut cependant préciser tout de suite que si l’accès à l eau dans les quartiers précaires et les bidonvilles nécessite la recherche solutions techniques et financières prenant en compte leurs spécificités d’ordre social et culturel , la véritable solution de ces problèmes n’est pas d’ordre technique ni financier, car il ne s’agit pas le plus souvent de faire face à une pénurie de la ressource en eau ou à des obstacles administratifs, techniques ou financiers incontournables, mais bien d’ordre politique. La situation actuelle résulte en effet essentiellement :

- d’un manque de volonté politique des autorités locales, régionales ou nationales qui délaissent ces problèmes au profit d’autres activités plus simples ou plus prestigieuses.
- parfois aussi d’un manque d’ardeur des sociétés de distribution d’eau locales qui préfèrent investir dans des quartiers plus solvables ou rentables, ou qui hésitent à investir sans le consentement ou la participation financière des autorités de tutelle qui leur ont délégué la gestion du service.

4) Pourquoi les réseaux de distribution publique d’eau n’arrivent-ils pas souvent jusqu’aux quartiers periurbains pauvres ou jusqu’aux bidonvilles ?

Créer ou étendre un réseau d’eau, comme d’assainissement d’ailleurs, dans des quartiers défavorisés où la population croît de plus très rapidement et nécessite de fréquentes extensions, n’est souvent pas une tâche facile.

Tout d’abord il existe le plus souvent de sérieuses difficultés ou contraintes techniques dues à la topographie et aux caractéristiques géographiques des lieux, au manque de voiries, à l’imbroglio des ruelles et des habitations, aux passages sinueux et étroits, à la limitation de l’espace public accessible pour la pose de canalisations, à de fortes pentes ou collines comme dans les favelas escarpées de Rio de Janeiro ou de Port au Prince, ou encore à de très fortes densités d’habitat

Ensuite, ces quartiers sont souvent considérés illégaux par les autorités. Les habitants n’ayant pas de titres de propriété foncière, le gouvernement ou la municipalité ne veulent le plus souvent surtout pas :
- Que l’arrivée d’eau ou d’électricité puisse être considérée comme une reconnaissance plus ou moins tacite du droit d’habiter là
- Ni reconnaître le droit de leurs habitants , malgré la promulgation récente par l’AG des Nations Unies en 2011 du droit à l’eau, au bénéfice d’un service public, de peur notamment d’y attirer encore davantage de personnes et de ne plus pouvoir les en faire sortir si nécessaire par exemple à l’occasion d’une opération de restructuration ou de construction immobilière.


Bidonville de Port au Prince (Haïti). Photo Caritas

De leur côté, les entreprises privées délégataires ne souhaitent pas ou ne peuvent pas avoir de rapports conflictuels avec les autorités municipales de tutelle et redoutent en plus la destruction des infrastructures qu’elles auraient réalisées en cas d’une éventuelle expropriation.
Elles considèrent donc généralement comme particulièrement risqués les investissements dans des quartiers défavorisés de caractère informel, anarchique et non planifié, et à fortiori dans des zones de bidonvilles, surtout si la municipalité ne veut faire de son côté aucun effort financier. En outre, comme le prix de l’eau doit être adapté aux revenus des habitants, les opérateurs préfèrent investir dans les quartiers aisés, leur garantissant ainsi un investissement plus rentable et moins risqué quant aux impayés.
Celles qui réalisent néanmoins des adductions d’eau dans ces quartiers concentrent le plus souvent leurs efforts sur la création de bornes fontaines publiques d’approvisionnement payantes ou gratuites ou de kiosques à eau mais en réalisant, pour plus de confort mais aussi pour équilibrer leurs comptes et rentabiliser l’opération, un maximum de branchements privés dont le coût est important et peut représenter l’équivalent de plusieurs mois de salaires. Or, les familles les plus pauvres ne disposent pas de moyens financiers suffisants si bien que le coût de ces branchements reste inabordable.
On note toutefois que de grandes sociétés ont assorti récemment, souvent avec l’aide de la Banque mondiale, leurs programmes de plans spécifiques de réalisation de branchements « sociaux » à moindre coût assortis d’opérations avantageuses de crédit ou d’étalement important des paiements comme au Maroc ou en Algérie.

5) Comment améliorer la desserte des populations les plus pauvres ?

Nous avons vu succinctement les divers moyens de la réaliser. Ils sont nombreux mais il n’existe aucune solution idéale, d’autant plus que celle-ci dépend beaucoup de la situation spécifique technique, mais aussi socio-économique des bidonvilles laquelle varie même parfois selon les quartiers, leur cohésion sociale et leurs possibilités financières.
Il est donc fondamental, avant de concevoir ou de proposer un quelconque programme de se rapprocher :

- des responsables ou leaders de ces quartiers, parfois entièrement dévoués à leur amélioration mais quelquefois aussi en quête de notoriété ou avec des arrière-pensées politiques,

- mais aussi des autorités locales ou communales afin de connaître leur position, leurs moyens, leurs projets et les possibilités de collaboration, mais aussi de les inciter à agir.

Il convient également de ne pas se fixer des objectifs ni trop bas ni trop ambitieux, de se considérer en situation seulement provisoire et de se placer plutôt dans une optique à moyen ou plus long terme en mettant déjà en place des installations plus évoluées , là notamment où l’on a pu constater un réel désir d’amélioration significative de certains habitants ou quartiers et une certaine « capacité à payer ».
Contrairement à une idée souvent répandue, il n’y a pas en effet que des personnes dans la misère dans les bidonvilles, même si la plupart le sont. En effet, plusieurs y travaillent ou le font à l’extérieur, et il existe dans certains quartiers une certaine « capacité à payer » (sinon comment pourraient-ils payer les services à prix élevé des petits porteurs ou distributeurs d’eau ?). Certains habitants sont donc parfois prêts à payer un service de meilleure qualité et qui leur fera faire ultérieurement des économies.
Tel est par exemple le cas de ceux qui souhaiteraient pouvoir bénéficier d’un branchement privé ( surtout lorsque des municipalités ou des opérateurs organisent des campagnes d’installation de « branchements sociaux » dans des conditions financières intéressantes comme précisé dans la fiche E 47), permettant de disposer sans attendre d’une eau souvent de meilleure qualité , mieux contrôlée et d’un prix nettement inférieur.



Branchements simplifiés multiples dits « spaghettis ». Photo PSEau

De telles initiatives permettront en effet ensuite de tirer vers le haut les autres catégories de populations ou d’autres
quartiers lorsqu’elles en auront elles-mêmes un peu plus tard les moyens.
Rappelons enfin qu’il est surtout primordial de faire en sorte que les autorités locales se préoccupent du problème,
 ne sous-estiment pas l’intérêt et l’importance des modes de gestion communautaire, ni le rôle joué par de petits opérateurs
 privés qui créent des emplois et dynamisent l’économie locale mais qu’elles pourraient cependant sans doute mieux encadrer
 ou organiser et qu’elles intègrent les bidonvilles et toutes les zones d’habitat précaire dans leurs plans d’urbanisme, ne
 serait-ce que pour en éviter l’extension.

6) Où s’adresser pour trouver davantage d’informations ?

- Partenariat Eau et Assainissement en Afrique : « Améliorer l’accès des populations urbaines démunies aux services d’eau et d’assainissement ». Recueil de bonnes pratiques en Afrique Subsaharienne ».. Des articles sur les bornes-fontaines, les branchements privés, les petits revendeurs d’eau privés 2004. Disponible sur : http://www.pseau.org/outils/ouvrage...

- PSEau : (A.Morel et A.L’huissier) : Rapport très documenté de 180 pages mais plutôt destiné à ceux qui veulent lancer ou améliorer des programmes de cette nature : « Analyse des paramètres économiques de la distribution d’eau pour les populations à faibles revenus des quartiers périurbains et des petits centres de 10 pays africains » (Outils d’évaluation de la demande des populations, Divers types de charges et de coût, logiciels d’aide à la gestion des coûts…). Disponible, en ligne, sur : http://www.pseau.org/outils/ouvrages/eau_potable_assain_periurbains_1999_VF.pdf</SPAN>

- COLLIGNON. B.et VEZINA,.M. : « Les opérateurs indépendants de l’approvisionnement en eau potable et de l’assainissement en milieu urbain ». (Programme pour l’eau et l’assainissement – Banque Mondiale : Washington, 2000). Rapport de 90 pages sur 10 études de cas sur les filières de revente d’eau et d’assainissement. Disponible sur : http://www.pseau.org/outils/biblio/...

 - PSEau : « Eau potable et assainissement dans les quartiers périurbains et les petits centres , Synthèse d’un atelier de conclusions d’une étude réalisée sur ce sujet dans 15 pays par le GRET et divers organismes. Fusain WEDC http://www.pseau.org/outils/ouvrages/pseau_epaqppc_act_rech_3_rap_fi.pdf</SPAN>

- IRD : Rapport (14 pages) d’Emile LE BRIS « l’accès à l’eau potable dans les quartiers défavorisés des grandes villes et les petits centres urbains » : http://horizon.documentation.ird.fr...


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