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E49d - L’eau potable dans les quartiers periurbains précaires et les bidonvilles : principales méthodes de gestion et de gouvernance

1) De quoi s’agit-il ?

De voir, après avoir rappelé le contexte, la situation actuelle et la problématique des bidonvilles dans le monde (voir la fiche E 49 a) et quels étaient les moyens techniques disponibles pour y amener et y distribuer de l’eau potable (voir les fiche E 49 b et E 49 c), quels sont les divers et meilleurs moyens de gérer les réseaux, les moyens de transport à domicile et les installations, lesquels sont le plus souvent réalisés par de petits opérateurs privés locaux ou par des associations d’habitants.


2) Qu’entend-on par gouvernance ?

On utilise généralement ce terme pour désigner l’ensemble des règles d’organisation d’une société ou d’un service à une échelle plus ou moins grande. On parle ainsi souvent de la gouvernance des services d’eau potable et d’assainissement et en particulier de leur mode de gestion, publique, privée ou communautaire comme c’est assez souvent le cas dans les bidonvilles.
Pour en savoir plus sur ces divers modes de gouvernance, merci de vous reporter à la fiche C5 « Les diverses formes juridiques de gouvernance et de gestion les plus fréquentes des services d’eau et d’assainissement. Leurs particularités dans les pays en développement ».

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3) La problématique de la gouvernance

Nous verrons les divers types de gouvernance que l’on peut rencontrer dans de tels quartiers, mais la particularité des bidonvilles est que l’on se trouve dans des quartiers pauvres et très difficiles, souvent illégaux et où les municipalités et les services publics sont très peu présents et ignorent ou craignent les habitants, redoutant même parfois d’y pénétrer.
On s’y trouve donc souvent en présence de multiples petits opérateurs, le plus souvent privés et rendant certes des services appréciés à la population mais à un prix élevé et en général, sauf pour les plus importants, rarement habilités et souvent seulement tolérés par les communes, peu organisés, mal coordonnés, et peu contrôlés.
La multiplication de ces opérateurs devrait donc être compensée par une meilleure coordination et surveillance de leurs services et par l’instauration d’un véritable dialogue avec les autorités municipales, ne serait-ce que pour éviter les dérapages parfois constatés et pour se soucier davantage de l’évolution de la situation transitoire actuelle vers un service public de meilleure qualité et à moindre coût.

4) Les principaux types de gouvernance et de gestion des installations de ces quartiers

Ce point très important car il conditionne souvent la réussite ou l’échec d’un programme d’approvisionnement en eau d’un bidonville.


Photo WEDC

Il en existe plusieurs, mais l’expérience semble montrer que, faute de mieux et surtout du très faible nombre de communes ou de métropoles qui acceptent d’étendre leurs réseaux publics d’eau jusque dans les quartiers les plus défavorisés et précaires, ce qui devrait pourtant être la solution à privilégier tôt ou tard, la meilleure solution est au moins à titre provisoire d’en confier la gestion, soit à de petits opérateurs publics ou privés locaux dont la commune assure le contrôle, soit à des groupes communautaires d’habitants des quartiers avec lesquels elles passent des accords

a) La gestion publique

Elle devrait être plutôt la règle. Elle n’empêche d’ailleurs pas les communes concernées de déléguer tout ou partie du service de distribution d’eau à des comités de quartier ou à des petits distributeurs privés s’ils s’avèrent, au moins actuellement, plus proches des populations et performants dans leur domaine.


b) La ges​tion de tout ou partie du réseau par des opérateurs privés

Gestion de la totalité du réseau par un seul opérateur (le même que celui du réseau principal)

Cette formule assez courante dans les pays développés, et dans laquelle les pouvoirs publics gardent la propriété des installations et le contrôle de l’exécution, mais confient leur gestion à un opérateur privé de leur choix après négociation et signature d’un contrat, s’est heurtée ces dernières années à plusieurs échecs, notamment en Argentine, en Bolivie et aux Philippines. Elle est devenue plus rare.

Gestion partielle du réseau par un ou plusieurs opérateurs privés

 Dans ce cas, la commune laisse un ou plusieurs opérateurs privés locaux assurer la distribution, voire aussi la production
 d’eau (création par exemple de mini-réseaux à partir de forages privés) dans certains quartiers (eau par exemple
 achetée en gros à la ville et revendue dans des kiosques à eau ou à des bornes-fontaines privées).

c) La gestion « participative » , ou la « gestion communautaire »

Celle-ci consiste à laisser des groupes communautaires d’habitants d’une même zone ou d’un même quartier gérer eux-mêmes les installations (le plus souvent d’ailleurs après avoir pris l’initiative de les construire et de les payer eux-mêmes faute d’initiative des pouvoirs publics).


Selon l’histoire ou la situation locale, ces communautés gèrent alors tout ou partie des installations techniques, généralement assez simples, d’adduction d’eau ainsi que les services de distribution et de recouvrement des redevances dont elles fixent elles-mêmes les prix. (quelquefois mais rarement encadrés par les municipalités).
Elles sont généralement organisées en comités de quartier, de réseaux de groupes d’usagers, ou de comités de gestion d’appellations diverses et plus ou moins structurés qui se doivent, mais ce n’est pas toujours le cas, d’être compétentes, désintéressées et représentatives de la population.
Généralement mises en place à l’initiative d’ONG ou de bailleurs d e fonds qui en ont déjà acquis une solide expérience en milieu rural, ces comités sont généralement constitués de personnes bénévoles et dévouées et dirigées par des leaders locaux, mais parfois aussi hélas de personnes moins diligentes sous l’influence ou l’emprise de personnes ou de donateurs beaucoup moins désintéressés, ou de personnalités ou partis politiques cherchant à s’implanter dans ces quartiers.
Leurs caractéristiques, leur mode de fonctionnement sont assez semblables à ceux qui sont décrits de façon générale dans les fiches correspondantes C5 à C7 auxquelles il est donc conseillé de se reporter.


Nous préférons en effet donner seulement ici un peu plus loin un exemple de mode de fonctionnement et de résultats d’un tel type d’organisation, pris en Inde dans l’un des bidonvilles de Mumbaî (ex Bombay).


d) La gestion mixte publique/privée ou /publique/communautaire

Dans certains cas, on observe soit dans tout le bidonville, soit seulement dans certains quartiers, une juxtaposition de certains des modes de gouvernance indiqués précédemment.
Cette situation n’est pas sans intérêt car elle peut être le début d’une orientation progressive de la gouvernance des installations vers un système de gestion publique, avec ou sans délégation, ce qui devrait être plutôt la règle afin que les habitants des bidonvilles soient aussi bien traités que ceux des centre villes qui bénéficient d’un réseau de meilleure qualité er de coût moins élevé.


5) Exemple de mode de gestion de type communautaire dans un bidonville indien

Cet exemple, fourni par Rémi de Bercegol, membre du dynamique « Réseau Projection » des jeunes professionnels de l’eau, est ici simplement résumé, sa description plus précise se trouvant dans son rapport de thèse au LATTS signalé en fin de fiche parmi les documents complémentaires recommandés.
MUMBAÏ (ex Bombay), ville indienne la plus peuplée et mégapole de plus de 18 millions d’habitants, comporte plusieurs bidonvilles. Celui en étages de « Ram Nagar », d’une superficie de 1000 m2 est situé à mi-hauteur (entre 50 à 110 m) en bordure du « Sanjay Gandhi National park » de 104 km2 et comprend 41 500 ménages dont les chefs sont majoritairement actifs mais dont les salaires varient de 27 € à 185 €/mois seulement, le salaire médian étant de 55 €/mois (valeur 2007).
Considéré comme illégal et non desservi par la Société de distribution d’eau de la ville jusqu’en 1997, les habitants se trouvaient contraints d’aller percer la conduite d’eau assez voisine de la ville, ce qui a alors conduit la ville à décider d’installer en 1980, puis à multiplier dans les années 1990, des robinets directement branchés sur la conduite.
Puis, sous la pression des habitants du bidonville et d’une ONG indienne influente qui a réussi à mettre en relation les groupes communautaires du bidonville, les responsables municipaux et des dirigeants politiques, la situation jusque là conflictuelle et en impasse s’est un peu améliorée et a permis la création de trois premiers réseaux d’eau gérés par des groupes communautaires d’habitants. 


Mumbai Photo Wikipedia

Il a d’abord été procédé, condition préalable de la municipalité, à l’enregistrement administratif de chaque groupe (250 à 300 membres chacun) et des opérateurs susceptibles d’y opérer, puis à la conception d’une solution technique à moindre coût (mise en place par la municipalité, mais à la charge complète des usagers, d’une infrastructure réduite comportant un branchement collectif et un système de tuyaux de petit diamètre à ciel ouvert alimentés en pression par une puissante pompe élévatoire motorisée ( le bidonville se situant en hauteur), à l’élaboration d’un plan financier et enfin à la réalisation du réseau dont pratiquement tous les travaux ont dû être réalisés gratuitement par les populations concernées.
Le coût total de ces 3 premières réalisations ne s’est élevé qu’à 18 500 €, pris en charge à 75% par l’ONG et à 25% par les habitants dont la participation avait été fixée à l’époque de 9 à 30 €/ménage. Chaque réseau dispose depuis lors d’un salarié payé de 18 à 54 €/mois.
12 autres « groupes d’usagers » ont été réalisés par la suite. Leur taille, très variable, permet d’alimenter de 40 à plus de 800 ménages. Compte tenu de contraintes techniques liées notamment à l’alimentation électrique des pompes, le service n’est cependant pas continu et seulement intermittent et le volume d’eau quotidien fourni dépend des réseaux (de 30 à 60 litres par personne et par jour).
Le coût total des 15 réalisations s’est élevé à 283 300 € financés à raison de 60% par les habitants, 11% par l’ONG, 10% par des entrepreneurs privés et 19% à la fin par des partis politiques soucieux de leur influence dans les quartiers…
Ceci a d’ailleurs eu des conséquences sur la composition, la direction (un président, un secrétaire et un trésorier) et l’efficacité des comités d’usagers de quartier :

- les vrais comités de gestion communautaires sont administrés par des personnes compétentes et représentatives du quartier, organisant des réunions mensuelles de ses administrateurs et semestrielles ou annuelles de tous ses membres et assurant le bon fonctionnement et le suivi des installations ainsi que la collecte des cotisations (de 50 à 100 roupies/mois, soit 1 à 2 €/mois),
- les comités administrés par des entrepreneurs privés ont l’avantage de mieux connaître les techniques d’installation et de maintenance et d’être capables d’offrir de bonnes prestations, mais ils ne le font pas toujours pour autant si d’autres réseaux ne leur font pas de concurrence. La participation des usagers y est quasi nulle, ce qui pose d’importants problèmes en cas de nécessité d’extension, de service médiocre ou de souhait de changement.
- les comités, heureusement l’exception, victimes de luttes intestines pour le pouvoir, dues notamment à des raisons politiques, où les habitants ont finalement du mal à s’entendre ou à se faire entendre.

L’expérience a montré que les réseaux des groupes d’usagers les plus performants étaient ceux qui avaient une taille réduite (de l’ordre d‘une centaine de ménages entretenant des liens de confiance), qui avaient réussi à impliquer fortement leurs membres dans le financement des installations (d’où un plus grand sentiment d’appropriation et une meilleure maintenance) et qui avaient mis en place un système de facturation correspondant aux coûts réels de fonctionnement légèrement majorés de façon à pouvoir dégager un léger bénéfice permettant d’envisager une amélioration ou une extension du réseau.
Si ces réseaux communautaires constituent actuellement une réponse temporaire, assez satisfaisante compte tenu de la situation de ces quartiers et de la relative inertie de la municipalité, il s’avère néanmoins que leur pérennisation et leur amélioration nécessiterait au moins un renforcement de leurs liens avec les services municipaux, ne serait-ce que pour réduire les inégalités flagrantes avec les habitants du centre ville, mettre en place un système de péréquation tarifaire entre les réseaux sur le prix de l’eau (variable actuellement selon les quartiers), comme de l’électricité d’ailleurs (dépense la plus importante rendue nécessaire par l’alimentation des pompes élévatoires ) ou encore pour l’optimisation des performances par la définition et le contrôle par exemple de certains critères d’efficacité.

6) Où s’adresser pour trouver davantage d’informations ?

- Partenariat Eau et Assainissement en Afrique. Améliorer l’accès des populations urbaines démunies aux services d’eau et d’assainissement – Recueil de bonnes pratiques en Afrique Subsaharienne. Dakar, 2004. Disponible sur : http://www.pseau.org/outils/ouvrage...

- COLLIGNON, B. ; VEZINA, M. Les opérateurs indépendants de l’approvisionnement en eau potable et de l’assainissement en milieu urbain. Programme pour l’eau et l’assainissement – Banque Mondiale : Washington, 2000. Disponible sur : http://www.pseau.org/outils/biblio/...

- Improving water supply and sanitation services for the urban poor in India. Water and Sanitation Program (WSP), 2009. Disponible sur : https://www.wsp.org/wsp/sites/wsp.o...

- IRD : Rapport (14 pages) d’Emile LE BRIS « l’accès à l’eau potable dans les quartiers défavorisés des grande villes et les petits centres urbains » http://horizon.documentation.ird.fr...


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