E14 - La recherche et la suppression des fuites
1) De quoi s’agit-il ?
L’eau douce est une ressource limitée, parfois même rare. La croissance démographique, la migration des populations vers les villes et leurs périphéries entraînent de nouveaux besoins mais aussi des gaspillages involontaires.
Dans de nombreux pays, et notamment dans les pays émergents, une quantité très importante d’eau est perdue pour cause de fuites dans les installations de production ou de captage et surtout dans les réseaux enterrés et souvent très étendus de canalisations.
La Banque mondiale estime à plus de 40% les pertes d’eau dans les pays émergents.
La réduction des pertes en eau peut donc jouer un rôle important dans l’amélioration de l’accès à l’eau potable. Mieux vaut commencer par rechercher les fuites et les supprimer, ce qui évite d’ailleurs des contaminations, que d’envisager la construction de nouvelles usines coûteuses de production.
2) Qui utilise surtout ce moyen et depuis quand ?
Tous les acteurs doivent être sensibilisés à ce problème :
- Les constructeurs d’équipements, installateurs de réseaux de distribution de l’eau
- Les intervenants en charge de l’exploitation et de la maintenance des installations et des réseaux
- Les usagers des équipements et réseaux de distribution
- Leurs responsables ou représentants, notamment les élus, les Chefs de village, de quartier
- Les décideurs ou opérateurs locaux
- Les services techniques locaux, régionaux, en charge des politiques d’accès à l’eau
- Les autres acteurs et opérateurs locaux, régionaux ou nationaux
3) Pourquoi ?
Les fuites d’eau peuvent avoir des impacts financiers et des impacts techniques significatifs.
Elles peuvent conduire à surdimensionner les équipements pour compenser les pertes et pouvoir satisfaire la demande des usagers.
Elles peuvent entraîner la surexploitation des ressources naturelles et donc conduire à l’assèchement prématuré des puits et forages.
De la même manière, elles contribuent à augmenter les coûts de production (énergie, produits de traitement, usure prématurée des matériels) et peuvent entraîner des pollutions par l’entrée d’éléments souillés dans le réseau.
Enfin, la présence de fuites peut entraîner des affaissements de terrain, des dégâts aux fondations de bâtiments ou de bidonvilles, l’inondation d’installations et l’érosion de l’assise des canalisations.
Elles peuvent aussi favoriser la corrosion des canalisations en acier.
4) Qui est surtout concerné ?
Les fuites et pertes d’eau peuvent concerner tous les systèmes et réseaux de distribution d’eau. Elles affectent :
- Les équipements de pompage et de production de l’eau.
- Les conduites principales de transfert et de distribution
- Les réservoirs et bassins de retenue (fuites ou débordements)
- Les conduites de service jusqu’aux branchements des usagers
Leurs causes peuvent être très variées :
- Déstabilisation du sol de pose des canalisations lors de travaux, terrassements, remblaiement ou compactage du terrain
- Mauvaise pose des canalisations ou malfaçons dans les travaux
- Pression importante dans le réseau de distribution
- Choc hydraulique (dû à la fermeture brusque d’une vanne ou d’un autre appareil) entraînant une surpression (phénomène du « coup de bélier »)
- Modification dans le temps de la tenue des sols impactant la stabilité d’assise des canalisations posées
- Vieillissement des joints d’étanchéité
- Raccordements à moindre frais et mal faits des branchements et équipements publics
- Phénomènes de corrosion (pour les tuyaux en acier)
- Corrosion interne si l’eau est agressive
- Corrosion externe suivant la nature du sol ou son humidité
5) En quoi consiste ce procédé ? Comment est-il mis en oeuvre ?
Les fuites sur des équipements ou ouvrages non enfouis sont généralement assez repérables soit par les usagers soit par les différents intervenants sur le réseau d’eau et elles sont donc faciles à détecter et à réparer relativement rapidement.
Les fuites sur des canalisations enterrées peuvent aussi être détectées par de multiples indices :
- Augmentation sans raison valable de la production d’eau nécessaire pour les besoins des usagers
- Baisse anormale du niveau d’un réservoir de stockage
- Indices visuels :
- Affaissement de terrain
- Mur humide (l’eau s’infiltrant par capillarité)
- Présence d’une zone de végétation anormalement développée par rapport aux zones voisines
- Terrain humide pendant une période de temps sec
- Baisse de pression dans le réseau de distribution
- Manque d’eau chez certains usagers
- Bruit anormal au niveau d’un branchement ou d’une canalisation
Pour détecter et localiser plus précisément les fuites sur les canalisations, des appareils peuvent être utilisés. Rappelons cependant qu’autrefois, les fuites étaient parfois seulement détectées à l’oreille collée sur le sol et de préférence la nuit pour éviter les sons ambiants
En règle générale, ces appareils détectent les vibrations ou les bruits produits par l’eau qui s’échappe des canalisations sous pression. Ces bruits se propagent le long de la conduite sur des distances assez longues (selon le type et le diamètre de la conduite) et dans le sol environnant.
Il existe différents types d’appareils de détection :
Amplificateur acoustique mécanique
(document Hydrosol)
a) L’amplificateur mécanique ou sonde sonore
Le corps de l’amplificateur mécanique constitue la boite de résonance d’une membrane vibrante dont la fréquence peut être ajustée par le déplacement d’un bouton moleté. La boite est prolongée :
- soit par une pointe courte qui permet de capter les sons en des points où la canalisation est apparente et facile d’accès
- soit par un tube allongé qui permet de capter les sons par introduction dans le sol
L’écoute du bruit capté et amplifié par la boite de résonance se fait avec un stéthoscope de type médical
Ces appareils qui fonctionnent sans alimentation électrique ni circuit électronique sont relativement bon marché et faciles en entretenir.
On peut même fabriquer une sonde sonore assez facilement et à faible coût avec des matériaux locaux (une baguette en bambou, en bois ou en métal) avec un écouteur pour amplifier les sons.
b) L’amplificateur électronique ou microphone au sol
Dans un amplificateur électronique, le son particulier de chuintement de la fuite d’eau est capté par un microphone et amplifié par un circuit électronique.
Les appareils les plus modernes sont même munis d’amplificateurs de signaux et de filtres antiparasites pour mettre en relief le signal produit par la fuite.
La technique consiste à placer le microphone sur le sol à différents intervalles le long de la conduite et à repérer les changements d‘amplitude à mesure que le microphone s‘approche de la fuite.
Détection acoustique de fuites avec un amplificateur électronique (Document Syndicat Intercommunal de la Faye)
c) Le corrélateur acoustique
Corrélateur acoustique (document société Sewerin)
Plutôt que de localiser une fuite en se basant sur le niveau du son, le corrélateur acoustique utilise la vitesse des sons produits par la fuite lorsqu‘ils se déplacent le long de la conduite vers deux capteurs ou microphones placés sur des raccords de chaque côté de la fuite. La méthode utilise comme principe de fonctionnement la ressemblance entre les deux signaux résultant du bruit de la fuite et détermine la différence des temps de propagation de ce bruit vers deux capteurs placés aux extrémités de la partie de la canalisation contrôlée.
L‘efficacité de cette méthode dépend de l‘ampleur du son émis par la fuite et de la conductivité sonique de la conduite.
Le prix de ces appareils est cependant élevé.
d) Autres méthodes de détection
Il existe d’autres méthodes plus sophistiquées pour des campagnes à grande échelle de recherche de fuites, mais elles nécessitent des moyens techniques importants :
La technique du gaz traceur
Cette technique consiste à injecter dans une partie isolée d’une conduite un gaz non toxique, plus léger que l’air et insoluble dans l’eau (p. ex. l’hélium). Le gaz s’échappe par l’ouverture de la fuite, puis atteint la surface en s’infiltrant à travers le sol et la chaussée. On repère la fuite en balayant la surface du sol située juste au-dessus de la conduite au moyen d’un détecteur de gaz très sensible.
La thermographie
Le principe d’utilisation de la thermographie pour la détection des fuites est le suivant : l’eau s’échappant d’une conduite souterraine modifie les caractéristiques thermiques du sol environnant. Les anomalies thermiques produites au-dessus de la conduite sont décelées par des caméras infrarouges portatives ou embarquées dans un véhicule terrestre ou un avion.
Le géoradar
Les radars permettent de repérer de deux façons les fuites dans les conduites d’eau enfouies : ils détectent les vides créés dans le sol par l’eau qui fuit et circule autour de la conduite, ou bien les segments de canalisations qui semblent plus profonds qu’ils ne devraient l’être à cause de l’augmentation de la valeur de la constante diélectrique du sol gorgé d’eau, aux alentours de la fuite.
6) Difficultés particulières et remèdes
La durée d‘une fuite affecte le volume de l’eau perdue, et il faut donc que les réparations soient faites aussi rapidement que possible après détection. Pour que ces réparations soient efficaces et durables, il est donc préférable qu’elles soient réalisées par des intervenants compétents, avec du matériel de bonne qualité et un travail soigné s’il en existe dans la région. Si tel n’est pas le cas, utiliser au moins les procédés les plus simples.
Une bonne gestion de la pression dans les canalisations, notamment en cas de fuites peut aussi se révéler une méthode simple et efficace pour limiter les pertes en eau. Il s’agit principalement de réduire des pressions trop fortes ou non indispensables et de limiter les gros écarts de pression, ce qui entraîne une diminution des fuites au niveau tant des conduites que des branchements ou autres raccordements, et a en même temps un rôle préventif contre les ruptures de conduites.
Les appareils de détection classiques ne détectent pas seulement les sons émis par une fuite mais aussi tous les bruits dans le réseau, tels qu‘une pompe, un robinet, une valve à air, etc. Il importe donc d‘avoir un opérateur avec de l‘expérience dans la détection des fuites qui non seulement pourra utiliser l‘équipement de façon correcte mais aussi saura identifier les fuites sans faire d‘erreurs.
Corrélation acoustique . Schéma du CRNC, Centre de recherches canadien
7) Principaux avantages et inconvénients
Les méthodes de corrélation acoustique sont problématiques dans le cas des tuyaux en plastique car le matériel de détection acoustique des fuites a été conçu principalement pour les conduites métalliques. Or les signaux émis par les fuites dans les tubes en plastique ont des caractéristiques acoustiques sensiblement différentes de ceux qui sont produits par des fuites dans des conduites métalliques. Les tubes en plastique sont plus silencieux et ne transmettent moins les bruits que les conduites métalliques. De plus, ces bruits sont constitués principalement de signaux de basse fréquence moins facilement détectables que ceux émis par les fuites dans les conduites métalliques.
Des améliorations en cours doivent donc être apportées pour permettre aux corrélateurs de bruits de fuites de mieux repérer celles qui se produisent dans les tubes en plastique (révision des algorithmes de calcul, capteur à sensibilité plus élevée, capacité de percevoir les basses fréquences, réglage des filtres…) Plusieurs modifications techniques peuvent aussi renforcer l’efficacité du matériel : utilisation des composantes basse fréquence des signaux produits par les fuites ( mesure de la vitesse de propagation du son dans les tubes, moyens de vérification du bon fonctionnement des capteurs de fuite..).
8) Coût
Le coût de réparation varie selon le type de fuite et l’équipement endommagé. Il est donc difficile de donner des estimations précises.
Les ordres de grandeur de prix des appareils de détection sont les suivants :
- Amplificateur mécanique : 300 à 600 €
- Amplificateur électronique : 1 700 à 3 500 €
- Corrélateur acoustique : 8 000 à 12 000 € (milieu de gamme)
9) Observations, recommandations et suggestions
Pour évaluer le volume des fuites, un bilan d’eau peut être aussi réalisé à différents endroits du réseau si les systèmes de comptage sont assez nombreux et fiables sur un réseau ou un secteur de distribution.
Le bilan d’eau permet de déterminer les quantités d’eau qui se perdent.
Il peut être effectué sur l’ensemble ou sur une partie du réseau. Il nécessite une comptabilisation détaillée des quantités d’eau entrant dans le réseau (ou le secteur de réseau) et qui en sortent.
Il est généralement basé sur les relevés des compteurs et sur la vérification de leur précision.
10) Où s’adresser pour trouver davantage d’informations ?
a) Sites internet
- Centre National de Recherches Canada : « La détection des fuites dans les conduites de distribution d’eau ». Document intéressant de 4 pages indiquant les principales méthodes utilisées.
Disponible, en ligne, sur : http://www.nrc-cnrc.gc.ca/ctu-sc/fr/ctu_sc_n79.
- USAID/Banque Mondiale : Manuel du manager sur l’eau non comptabilisée en Afrique-Guide des pertes d’eau.
La version originale de ce manuel de référence de 132 pages, très documenté et bien illustré, avait été publiée en juillet 2008 pour les compagnies des eaux d‘Asie. Elle a été adaptée pour les compagnies des eaux africaines et permet de connaître l’ensemble des problèmes des fuites d’eau, des appareils et des méthodes de détection et de réparation des fuites en les illustrant par des études de cas .
Disponile, en ligne, sur :
http://www.pseau.org/outils/ouvrage...
Autres documents intéressants
GIZ-VAG Alliance : Guide pour la réduction des pertes en eau
http://www.unwater.unu.edu/file/get/414
résumé en français des travaux de la GIZ-VAG Alliance : Guidelines for waterloss reduction
Le document complet en anglais disponible sur le site :
http://www.waterloss-reduction.com/?id=8
b) Vidéos
Recherche de fuite avec un amplificateur électronique (vidéo en français)
http://www.youtube.com/watch ?v=TksM...
Démonstration d’un corrélateur acoustique (vidéo en anglais)
http://www.youtube.com/watch ?v=atBV...