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B7 - La tarification sociale « mixte » et la diminution de la partie fixe dans la tarification « binôme »

Contenu de l'article

1) De quoi s’agit-il ?

De deux types de tarification bien distincts bien qu’ils mettent tous deux en jeu tous des paramètre très différents de même que leurs objectifs :
- la tarification « mixte » qui prévoit le financement normal du service mais aussi son extension pour les ménages défavorisés.
- la tarification « binôme », constituée d’un élément fixe destiné en principe à faire amortir davantage le coût des installations par les petits consommateurs (l’abonnement) et d’un élément variable fonction du volume consommé.
Cette tarification est cependant inéquitable et peut se révéler désastreuse pour les plus pauvres en cas de prix élevé de l’abonnement. Il convient donc de savoir comment la corriger.

2) Qui utilise surtout ce moyen et depuis quand ? 

La tarification « mixte » est surtout utilisée par les communes ou les Etats, assez rares d’ailleurs, qui préfèrent mettre en œuvre, plutôt que des aides individuelles versées aux usagers à faibles ressources, des solutions collectives sous forme de financement d’infrastructures hydrauliques leur facilitant l’accès à l’eau ou à l’assainissement.

La tarification « binôme » est largement répandue depuis longtemps mais n’a pas du tout de but social. Tout en permettant de financer certains équipements utiles à tous et d’équilibrer le budget des services, elle sert aussi, mais sans le dire, à certaines communes pour diminuer le prix apparent du m3 figurant sur les factures, celui-ci ne concernant que les volumes consommés.

3) Pourquoi ?

Voir ci-dessus.

4) En quoi consiste ces procédés ? Comment sont-ils mis en oeuvre ?

a) La tarification sociale « mixte »

Principe

Celle-ci n’apporte pas d’avantage direct, mais seulement collectif, aux usagers démunis.

Le principe consiste à majorer le prix de l’eau, soit pour toute la population , soit de façon plus ciblé pour les plus gros consommateurs ou pour les habitants des quartiers considérés comme aisés, de façon à constituer un Fonds de financement pour réaliser par exemple, soit la création ou l’extension d’un réseau , soit l’installation de nouvelles bornes fontaines dans les quartiers pauvres.
Il s’agit donc en fait d’une tarification équilibrée grâce à des subventions dites « croisées » entre diverses catégories de population, destinées non pas à diminuer le prix du m3 pour les plus démunis de façon immédiate mais seulement plus tard une fois les équipements réalisés, ou encore à leur faciliter l’accès à l’eau ou à l’assainissement.
 
Cette tarification, qui peut s’appliquer aussi à des modes de tarification progressive au niveau d’une commune, s’applique parfois également au niveau d’un Etat par l’application d’une taxe nationale sur le prix de l’eau destinée à alimenter des Fonds d’aide ou d’investissements.

Exemples de réalisation

- En France, il a longtemps existé par exemple une taxe nationale sur le prix du m3 destinée à alimenter le FNAER, un Fonds national d’aide à l’adduction d’eau en milieu rural, lequel n’était pas spécialement destiné à faciliter l’accès à l’eau des plus pauvres mais à le faire indirectement dans les campagnes.

- En Côte d’Ivoire, le gouvernement a créé un « Fonds de développement de l’eau » alimenté par une forte taxe sur les factures (40%). Celle-ci était officiellement destinée à subventionner des raccordements au réseau, notamment pour les familles défavorisées.
Il a hélas ignoré les quartiers les plus pauvres ou bidonvilles de certaines villes, les zones d’habitat non autorisées n’ayant pas été éligibles, et n’a pas permis à de nombreuses familles de se raccorder en raison du coût trop élevé et d’ailleurs brusquement majoré peu après du branchement malgré la subvention proposée.

De telles initiatives sont donc intéressantes mais peuvent être plus facilement suivies au niveau d’une commune que d’un pays.

Principaux avantages

- Formule permettant d’investir pour l’avenir
- Facilite certes une solidarité intéressante, mais en réalité contrainte, entre les diverses catégories d’une population.
- Présente un caractère plus collectif qu’individuel, est plus facile à gérer et permet de procurer ensuite de l’eau à tarif peu élevé, voire gratuit si par exemple l’accès aux bornes fontaines l’est, à des populations entières de certains quartiers.

Principaux inconvénients

- Difficulté parfois à faire admettre le principe et de parvenir à un bon équilibre entre ceux qui doivent payer l’eau plus cher et ceux qui l’obtiennent grâce à eux mais en la payant moins cher ou pas du tout.
- Risque de désintérêt des classes moyennes pour leur branchement s’il y a par exemple beaucoup de bornes-fontaines à prix avantageux à proximité.
 Résultats moins immédiats et parfois longs à se concrétiser.
 Risque de déviation en cours de route de l’objet initial annoncé, surtout à un niveau national, et nécessitant donc un suivi particulier.

b) La tarification binôme

Remarque préalable : Celle-ci n’est présentée ici que pour montrer les incidences négatives qu’elle peut avoir sur certaines catégories d’usagers, et plus spécialement pour ceux ne disposant que de faibles ressources, et surtout pour indiquer les moyens de l’aménager pour plus d’équité et de solidarité.

Mode de tarification

Celle-ci comprend 2 éléments :

- une part fixe (comme souvent pour l’électricité ou le téléphone) appelée « abonnement » et donc invariable quelle que soit la consommation censée couvrir une partie des frais d’investissements exceptionnels des frais de location de compteurs et des frais de gestion d’abonnement
- une part variable égale à la multiplication du nombre de m3 consommés par le prix de ce m3.
Le prix moyen total réel de l’eau est donc d’autant plus fort que la consommation est faible.
En cas de faible consommation et de part fixe élevée, le montant de l’abonnement peut même être supérieur au prix des m3 consommés…

Exemples

- A Barcelone la tarification, de type progressif comporte 3 tranches : 0,45 €/m3 jusqu’à 72 m3, puis 0,91€/ m3 jusqu’à 144 m3 et 1,36 €/m3, ainsi qu’une part fixe de 60 €/an.
Ce montant élevé de l’abonnement correspond en fait à celui de 102 m3 consommés. On constate donc qu’au total le prix réel à payer pour ces 102 m3, ne sera pas de 60 mais de 120 €, soit 1,18 € du fait de la part fixe. De même, pour une consommation standard moyenne de 120 m3, la part fixe représente 44 % de la facture. Ce pourcentage diminue d’autant plus que la consommation est élevée.

- Autres exemples :
Supposons que dans une commune le prix de la part variable soit de 2 €/m3 et que la part fixe s’élève à 90 €/an.
La personne qui n’y consomme que 50 m3/ an, paiera en fait son eau au prix moyen du m3 de 3,80 € soit 38% plus cher que s’il avait consommé 120 m3/an, consommation standard (soit 2,75 €/m3). Il en serait pratiquement de même (+ 35%) si le prix du m3 n’était que de 1,50 € et celui de l’abonnement de 60 €/an, mais le phénomène serait encore plus accentué (+ 56%) si la part fixe y était de 120 € ou si la consommation était moindre.
Autres cas de villes françaises qui ne sont pourtant pas balnéaires : A Bordeaux, la part fixe est de 64 €, A Lyon elle est de 67 €. A Grasse, elle atteint même 102 €. En Wallonie (Belgique), la part fixe est de 87 €.

Principe de l’amélioration à apporter à cette tarification

Le montant de la part fixe du tarif (l’abonnement) est sensiblement réduit, voire supprimé, au moins pour les personnes à faibles ressources ou vulnérables.
A défaut, car beaucoup de maires n’y sont pas favorables, les communes doivent prendre des dispositions d’accompagnement (aide sociale, subventions ou introduction de paramètres socio-économiques dans la tarification) pour qu’au moins les personnes à faibles revenus ne soient pas défavorisées.

Moyens de compenser la perte de recettes correspondantes

Ils peuvent être soit de nature fiscale, et ce sont alors les ressources fiscales de la commune ( Budget général) qui comblent la différence, soit de nature tarifaire. Dans ce cas, les spécialistes préconisent divers types de solutions telles que :

- Diminuer dans un premier temps modérément la part fixe afin de trouver plus facilement ou de façon plus acceptable des ressources de substitution.
- Augmenter les tarifs de la part variable en prenant des mesures d’accompagnement pour les pauvres.
- Passer à une tarification de type progressif, ou en accentuer l’impact si elle est déjà mise en oeuvre, ce qui aura normalement l’avantage de diminuer les consommations.
- Diminuer la part fixe pour les usages domestiques et l’augmenter pour les usages commerciaux ou industriels ou pour les fortes consommations en ne la diminuant pas pour les résidences secondaires.
- Instaurer une tarification saisonnière plus élevée l’été là où les relevés de compteurs correspondants sont trimestriels (rares) ou possibles sans trop de frais supplémentaires.
- Compenser l’augmentation des tarifs pour les familles vraiment nombreuses par des dispositifs d’aide spécifiques.
- Limiter ou mieux contrôler l’utilisation individuelle des nappes phréatiques (puits) ou créer une taxe particulière.
- Remplacer la part fixe par une taxe ou une contribution spécifique aux frais d’investissements du Service, non pas forfaitaire mais modulée en fonction du mode ou du type d’utilisation du réseau.

Principaux avantages de cette diminution

- Simplicité et grande efficacité possible du système, surtout lorsque le montant de l’abonnement est élevé.
- Suppression d’une source souvent importante d’inégalité de traitement entre les pauvres ou les petits consommateurs d’eau et les autres.
- Plus grande transparence des tarifs et du prix affiché du m3, celui-ci ne correspondant souvent qu’à celui de la part variable et permettant d’afficher un prix inférieur au prix réel payé souvent bien supérieur.

Principaux inconvénients

- Assez forte opposition de nombreuses autorités organisatrices des services d’eau et de leurs délégataires qui mettent en avant la part importante des frais fixes dans le coût
 de l’eau et la nécessité d’équilibrer les comptes ou de favoriser les familles nombreuses, les consommateurs importants ou les entreprises.
- Engendre souvent des augmentations du tarif pour les résidents permanents notamment dans les stations balnéaires où les parts fixes sont élevées.
- Réduction défavorable aux consommateurs importants, dont les familles nombreuses.
- Nécessite de trouver de nouvelles ressources pour compenser les réductions mises en place et si celles-ci sont importantes d’augmenter le prix de la part variable.

5) Difficultés particulières et précautions éventuelles à prendre

- Ne pas agir trop rapidement. Ne pas être trop doctrinaire et chercher à réaliser des modifications de principe si elles ne sont que mineures.
- Comprendre les vrais problèmes des communes concernées et essayer de réfléchir avec leurs Maires sur les diverses options possibles.
- Laisser le temps aux habitants au moins de comprendre, à défaut d’approuver tous, les raisons des modifications proposées.
- Voir quelles seraient éventuellement les autres mesures temporaires d’accompagnement du changement envisagé si celui-ci ne peut être que progressif.

 
6) Où s’adresser pour trouver davantage d’informations ? 

- Académie de l’eau. Publication (avril 2012) d’un livre (100 pages) : « La part fixe dans la tarification de l’eau des ménages » d’Henri SMETS, Président de l’ADEDE et spécialiste reconnu des problèmes de tarification de l’eau dans le monde. Très intéressant, bien documenté, illustré de nombreux graphiques et complété par de nombreuses annexes, ce livre permet de comprendre toutes les dimensions de ce problème souvent méconnu et de connaître avec plus de détails les solutions envisageables. Disponible, en ligne, sur :
 

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