A6 - Les latrines sèches non ventilées à fosse unique
1) De quoi s’agit-il ?
Du type de lieu d’aisance le plus simple, et dans de nombreuses régions le plus utilisé, caractérisé par le recueil dans une seule fosse, et sans utilisation d’eau, des excréments et des autres matières organiques d’origine humaine, ne nécessitant pas de raccord à un réseau collectif d’ égout, déjà mieux et moins risqué que de simples trous, des feuillées ou des tinettes à seau.
(Illustrations de cette fiche : fusains de WEDC, University of Loughborough, UK)
2) Pourquoi utiliser ce moyen ?
L’évacuation sans précaution des fèces et des urines humaines (excréments), conduit à la contamination du sol et des sources d’approvisionnement en eau. Ces excréments risquent en outre de constituer des foyers d’infestation où les insectes vont proliférer et propager l’infection. Il faut donc au minimum les recueillir dans une fosse, laquelle les isole et évite tout contact direct avec des personnes ou l’environnement.. C’est ce que permet ce moyen qui a par ailleurs l’avantage d’être peu onéreux.
3) Qui est surtout concerné ?
La facilité, la rapidité et le faible coût d’installation d’une latrine à simple fosse rend ce procédé intéressant pour des populations vivant en zone rurale, dans des lieux comportant un minimum d’espace disponible ou dans des régions pauvres sèches ou périurbaines et non équipées de systèmes d’assainissement collectif qui jusque là devaient se soulager à l’air libre (1,2 milliards de personnes en 2008) ou de façon très rudimentaire (800 000 personnes).
Il existe quelques spécificités de ce type de latrine (latrine surélevée ou latrines suspendue, latrine à double fosse…) mieux adaptées à des situations particulières telles que des zones à nappe phréatique peu profonde, marécageuses ou inondables ou des sols durs.
4) En quoi consiste ce procédé ? Comment est-il mis en oeuvre ?
Coupe d’une latrine sèche à fosse unique
Il consiste à creuser une fosse, si possible d’au moins 2m de profondeur, surmontée d’un plancher perforé, ou mieux d’une dalle trouée, et d’une superstructure légère de type cabanon.
Les excréments tombent directement dans la fosse, le plus souvent par un simple trou à la turque nécessitant une position accroupie, mais aussi par un siège percé plus confortable même s’il est rudimentaire.
Il est préférable de pratiquer un essuyage à sec (utilisation de feuilles, de sciure, d’herbes, de papier fin etc.).
Les matières solides s’entassent dans la fosse pendant que les éléments liquides (urine et éventuellement eau de lavage) percolent la terre environnante.
La décomposition des excréments dans la fosse est due à deux types de bactéries (aérobies et anaérobies) qui prolifèrent dans le sol. Les bactéries pathogènes ne survivent pas plus de deux ans . Les produits finaux de cette décomposition contiennent d’ailleurs des éléments nutritifs précieux pour le sol sur lequel sont parfois plantés des arbres lorsque la fosse est pleine.
a) Forme de la fosse
Les latrines à fosse doivent remplacer les « feuillées »
Elle peut être circulaire, carrée ou rectangulaire. Les moins profondes sont généralement carrées ou rectangulaires alors que les fosses de plus de 2 mètres de profondeur sont le plus souvent circulaires, leurs revêtements étant structurellement plus stables et permettant de supporter des charges plus élevées (dalle de béton, superstructure et utilisateur).
Plus la fosse est profonde, plus la pression qui s’exerce sur ses parois est importante, ce qui peut nécessiter des revêtements intérieurs de protection adéquats mais permettant la percolation des liquides dans le sol environnant.
Leur diamètre ou largeur est le plus souvent compris entre 1 m et 1,50 m, ne serait-ce que pour faciliter le travail du terrassier.
b) Revêtement des parois de la fosse
Il est inutile si le sol est stable et qu’il n’y a pas de risque de contamination d’une nappe phréatique.
Il est cependant préférable de prévoir un revêtement perméable si ce risque n’existe pas mais si le terrain est parfois instable.
Il faut prévoir un revêtement étanche si le terrain est perméable (sable, graviers…) et risque d’entraîner la pollution d’une ressource en eau dans un rayon d’une trentaine de mètres.
c) Dimensionnement de la fosse
Son volume V en m3 peut se calculer facilement par la formule : V= Ta x Cu x N x D :1000
où Ta représente le Taux d’accumulation, ou volume normal, des boues d’excréments, lequel est souvent compris, faute d’indications locales ou de calculs plus précis entre et 40 et 50 litres/usager/an , où Cu , coefficient généralement compris entre O,4(par exemple pour une latrine scolaire) et 1 (latrine en habitat) correspond au taux moyen d’utilisation de la latrine pendant l’année et où N représente le nombre d’usagers et D la durée de vie souhaitée pour la latrine exprimée en années.
Il est toutefois préférable d’ajouter au volume ainsi calculé, celui correspondant à un espace libre d’une trentaine de cm sous la dalle lorsque la fosse sera considérée comme pleine.
d) Dalle
Elle est assez simple à concevoir, à fabriquer (béton, planches ou buches robustes ou à défaut autres matériaux tels que bambou recouvert de graviers, vieux châssis…) et à poser.
Il est préférable de la poser entre 10 et 15 cm au-dessus du niveau du sol pour que les eaux de surface ne rentrent pas dans la fosse
( à défaut creuser une rigole de drainage du ruissellement des eaux autour de la latrine)
Il convient de respecter un léger recouvrement du sol par les bords de la dalle (par exemple une dizaine de cm pour une fosse d’un mètre de diamètre) afin de lui assurer un support correct.
e) Superstucture - Cabine
Latrine laotienne à Xieng Ngeun
Elle est importante car c’est elle qui permet de rendre l’utilisation de la latrine plus discrète, commode et agréable.
Le choix et le coût de son modèle et de ses matériaux (briques, parpaings, planches, perches et tissus, bambou etc.) dépend du revenu, des souhaits et des habitudes des utilisateurs ou de leur région.
La porte peut être réalisée en bois, en tôle ondulée ou même avec des bandes de bambou ou de végétaux disponibles localement que l’on peut fixer sur de vieilles planches ou une ossature en bois. Lorsque le bois uo la tôle sont trop chers, on peut aussi se contenter de simples rideaux.
La porte doit ouvrir vers l’extérieur pour donner plus d’espace.
Le toit doit être étanche. Il est souvent réalisé en fibrociment, ou en tôle (mais prix parfois élevé et risque de chaleur et d’odeurs).
Il peut être aussi réalisé en matériaux locaux, d’ailleurs souvent plus esthétiques (chaumes, feuillages roseaux, bambous…) à condition de les recouvrir d’une matière étanche ou d’une feuille de plastique.
L’aménagement intérieur peut être amélioré par la réalisation d’un siège au-dessus du trou percé dans la dalle, d’une barre de soutien en bois ou d’un siège pour les personnes handicapées éventuelles, d’un petit seau de sciure, de feuilles ou d’eau pour le lavage anal.
En cas de fosse peu profonde et donc à faible durée d’utilisation, ce qui nécessite le déplacement de la latrine lorsqu’elle est remplie, il est préférable de construire une cabine assez simple et déménageable.
f) Ventilation
Pour permettre un minimum de ventilation de la latrine et éviter de trop fortes odeurs, il convient d’aménager des ouvertures dans la superstructure, notamment au-dessus de la porte et sur la partie basse d’une paroi. L’entrée d’air sera plus efficace si elle est située face au vent dominant. Toutefois, le dispositif le plus efficace pour éviter les odeurs est celui des latrines dites VIP (Ventilated Improved Pit) : Voir la fiche A8 « Leslatrines sèches auto ventilées VIP (ou LAA) à simple ou double fosse »
g) Durée de vie
Elle est longue et le plus souvent de 15 à 20 ans, quand ce n’est pas 25 à 30 ans.
Si la durée de vie probable d’une latrine est inférieure à 10 ans, par exemple compte tenu de la nature du terrain, il vaut mieux envisager la construction d’une latrine à double fosse à utilisation alternative de chacune d’elles pendant une durée d’environ 2 ans.
(Voir la fiche A 7 « Les variantes de ceslatrines à fosse unique et les latrines à double fosse »)
h) Vidange de la fosse
Source RéFEA-OMS
La vidange peut présenter des risques importants si elle n’est pas réalisée avec précaution en raison de la présence de micro-organismes pathogènes dans les excréments.
En zone rurale ou de montagne, il est souvent possible et moins onéreux de fermer la fosse, de la couvrir de terre avant qu’elle ne soit pleine et de ne pas y toucher pendant un à deux ans, temps nécessaire pour la décomposition complète et la suppression de tout problème sanitaire, et d’en creuser une seconde puis, plusieurs années après, une troisième ou, surtout si le sol est dur, de revenir à la première qui peut être alors vidée sans danger et même servir d’engrais. Il est alors recommandé de prévoir des superstuctures légères et amovibles de la latrine pour ne pas avoir à la refaire.
En ville, où le terrain est plus rare, il convient de faire vider périodiquement la fosse car les excréments qu’elle contient, surtout les plus récents, renferment de nombreux germes pathogènes présents dans les boues qui s’y sont déposées et que le coût du revêtement intérieur de la fosse et de la superstructure y est généralement plus élevé. Il faut éviter de réaliser une vidange manuelle. Le mieux est de pouvoir la faire, lorsque les rues ne sont pas trop étroites et le coût abordable, par camion citerne à dépression ou dans le cas contraire de relier par un tuyau d’aspiration de petit diamètre le camion citerne à un réservoir portable amené à proximité de la latrine. Ceci n’empêche que dans de nombreux bidonvilles les moyens manuels le plus souvent utilisés (charrettes, cyclopousses etc) sont beaucoup plus rudimentaires et constituent d’ailleurs parfois le seul moyen de vidange compatible avec les resources de la population comme avec l’étroitesse des rues.
5) Précautions à prendre
Il faut en priorité, prévenir tous les risques de contamination des sources d’approvisionnement en eau.
1) le terrain en surface doit être sec, ferme, bien drainé et non-inondable. En cas contraire, prévoir plutôt une latrine suspendue (voir plus loin)
2) le fond de la latrine ne doit pas atteindre la nappe phréatique.
3) la distance minimale d’une latrine à un point d’eau ou à une source d’eau varie selon les terrains. Voici quelques exemples
- 100 m si la nappe phréatique est atteinte (fosse humide) et que le terrain est très filtrant (sol sableux)
- 20 m pour des fosses sèches en terrain argileux (si le fond des fosses est situé plus de 3 mètres au-dessus de la nappe aquifère).
- Dans les zones contenant des roches fissurées ou des formations calcaires il faut être très circonspect car la pollution peut circuler directement par des failles vers les sources.
4) l’emplacement d’une latrine doit être choisi en aval d’un cours d’eau ou d’une prise d’eau s’il en existe à proximité.
Il est en outre préférable d’utiliser l’essuyage à sec (papier fin, sciure, feuilles, herbes…). Il est toutefois possible de l’utiliser en y ajoutant un petit peu d’eau (lavage anal ou des mains)
Il convient en outre de prévoir à l’intérieur ou à proximité immédiate un lave-mains, tout particulièrement en cas de latrine communautaire (en général cependant d’un type amélioré) car il est important d’habituer les utilisateurs à se laver les mains après chaque utilisation de la latrine. Ce lave-mains peut être composé de trois éléments : un petit réservoir, un robinet de puisage et un socle, mais peut être, le cas échéant, limité à un récipient d’eau et à une cuvette ou à un point d’eau, ou encore être réalisé à l’aide d’ un système rudimentaire de récupération de l’eau de pluie du toit de la latrine.
6) Principaux avantages et inconvénients
a) Avantages
- Facilité de construction et possibilité d’utilisation de nombreux matériaux locaux.
- Facilité de compréhension et d’entretien du système.
- Eau non nécessaire, ou utilisée seulement en très faible quantité.
- Faible coût.
b) Inconvénients
- Dispositif non étanche entraînant des risques de désagrément, de mauvaises odeurs ou de maladies à cause des mouches, voire des moustiques qui risquent d’infester la superstucture si l’on n’astreint pas chaque utilisateur à bien fermer la porte et surtout à bien reposer un couvercle sur le trou de la dalle, ou du siège de la latrine, après chaque utilisation.
7) Coût
Les latrines à simple fosse sont les installations les moins chères d’assainissement autonome.
Leur prix varie généralement de 60 à 90 € selon la qualité des matériaux employés, la profondeur de la fosse, le type de superstructure ou d’aménagement intérieur et la région.
8) Lieux ou contextes dans lesquels cette technique parait le mieux adapté
Les latrines à simple fosse sont surtout utilisées en zone rurale , en montagne ou en zone à faible densité d’habitation et quantité d’eau disponible, mais elles sont aussi parfois utilisées en zone périurbaine.
9) Observations, recommandations et suggestions éventuelles
Bien réfléchir d’abord au volume de la fosse de la latrine, à son emplacement (éloignement de la nappe phréatique et des points d’eau éventuels, et à distance relative des habitations pour les odeurs).
Evaluer les risques de pollution
Prendre en compte la nature du terrain, le degré de résistance des parois à l’effondrement, le souhait de la famille ou de la population, le type de latrines le plus souvent déjà construites dans la région, l’existence ou non d’artisans spécialisés.
Se renseigner sur les matériaux peu coûteux disponibles dans la région.
10) Variantes appliquées dans des contextes particuliers
Il y en a au moins 4 : les latrines à double fosse, les latrines à fosse rurélevée, les latrines à trou foré et les latrines suspendues.
Vous trouverez leur description et leurs caractéristiques dans la FICHE A 7
11) Où trouver davantage d’informations - Bibliographie
a) Sites Internet
- OIE (Office international de l’eau) et son accès à différents sites, tel le Réseau RéFEA (Centre télématique francophone sur l’eau où vous trouverez plusieurs fiches pratiques, courtes et précises sur les latines et divers modes d’assainissement, dont plusieurs sur les latrines à fosse simple (figurant en tête de liste).
http://www.oieau.org/ReFEA/module3b...
- Global Water initiative (Afrique de l’ouest) a publié récemment en français un « Guide pratique pour la construction de latrine à simple fosse » de 25 pages très facile à comprendre et à utiliser..
Abondamment illustré, ce guide est destiné à aider pas à pas les familles qui ont décidé de construire un tel type de latrine
http://www.crsprogramquality.org/st...
- WEDC (Water, Engineering Development Centre) site, en anglais seulement, de l’Université de Loughborough qui édite de nombreuses fiches techniques (« Technical Briefs) claires et synthétiques. Pour obtenir celle concernant les latrines à simple fosse, cliquer en arrivant sur le sommaire sur la ligne « Latrine slabs and seats » Brief N° 45 » :
http://www.lboro.ac.uk/well/resourc...
- PSEau (Programme solidarité Eau-32 rue Le Pelletier 75009 Paris)
http://www.pseau.org/ Taper latrines à fosse unique dans la Rubrique « Recherche »
b) Vidéos
- Courte vidéo de 3’ « Construction d’une latrine en RDC » montrant comment construire une latrine à simple fosse et sa superstructure avec de simples matériaux locaux.
Téléchargeable en cliquant sur : http://www.youtube.com/watch?v=ZneX...
- Autre vidéo intéressante de 4 ‘ sans commentaires tournée au Mozambique : « Comment construire une latrine VIP ? » Téléchargeable en cliquant sur : http://www.youtube.com/watch?NR=1&a...
c) Bibliographie
Action contre la faim : « Eau - Assainissement – Hygiène pour les populations à risques »
Ouvrage très complet de 745 pages édité chez Hermann 6 rue de la Sorbonne 75 006 Paris (50€) explicitant et illustrant les diverses techniques utilisées par ACF et dont les pages 435 à 442 concernent les latrines sèches.