A10 - Les latrines écologiques ECOSAN à compost et avec séparation de l’ urine
1) De quoi s’agit-il ?
Du type de latrines sèches, fonctionnant donc sans eau, le plus écologique séparant les fèces des urines et permettant de valoriser les déchets en les transformant en compost (excreta) ou en fertilisant liquide (urines) utilisables pour la fertilisation des sols ou des cultures. Il s’agit donc d’une latrine à compost (voir la fiche A 9) améliorée.
Illustration WEDC
2) Qui utilise surtout ce moyen et depuis quand ?
Assez récent et introduit par des organismes de recherche comme le CREPA au Burkina Faso ou des ONG comme Toilettes du monde, ce modèle de latrine se répand beaucoup actuellement et fait partie de ceux qui sont les plus recommandés.
3) Pourquoi ?
Parce qu’il n’est pas compliqué à réaliser, qu’il protège la nature et transforme des déchets en source de revenus ou d’économies, soit par la vente de compost soit par la diminution de l’utilisation d’engrais côuteux et souvent importés, ce qui économise des devises.
4) Pourquoi et comment peut-on utiliser des excreta comme ressources ?
Ceci a déjà été expliqué pour les excréments solides dont le compostage permet la transformation en engrais pour l’agriculture (voir la fiche A 9 « Les latrines à compost »).
Le compost est un produit sain, tous les germes pathogènes ayant été détruits, et stabilisé, les nutriments qu’il renferme étant directement assimilables par les plantes.
En ce qui concerne l’urine, il faut savoir qu’elle est riche en phosphore (dont elle retient généralement de 40 à 50 %), en potassium (de 50 à 60 %) et en azote (de 75 à 80%), substances particulièrement recherchées par de nombreuses plantes et souvent contenues dans les engrais du commerce.
Or l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé) considère que l’urine des personnes en bonne santé est pratiquement exempte de germes pathogènes, qu’elle devient normalement propre à l’usage fertilisant au bout d’un mois mais qu’elle peut être contaminée à la sortie du corps ou par contact avec des fèces, et qu’il est donc préférable de la considérer exempte de tout danger au bout de 6 mois, délai qu’il est donc nécessaire de respecter si elle est utilisée pour des cultures autres que celles de la famille.
5) Qui est surtout concerné ? Lieux ou contextes dans lesquels ce moyen parait le mieux adapté
- Ces latrines sont bien adaptées au monde rural ou aux zones périurbaines, mais sont désormais également utilisées dans les villes. Une ville indienne, Musiri, a même, selon le Times, pris une mesure originale pour inciter les habitants de certains quartiers sales à utiliser des toilettes publiques ECOCAN : au lieu de les faire payer, elle leur verse une roupie à chaque utilisation et se rembourse en vendant les fertilisants…
- Les meilleurs contextes seront cependant ceux où leur introduction a été précédée d’une importante campagne de sensibilisation aux problèmes d’hygiène (voir les fiches C 1 à C4 sur les méthodes correspondantes) et aux propriétés souvent très mal connues des éléments récupérés et dont l’utilisation peut provoquer des réflexes de répugnance et de rejet.
- Le CREPA (Centre Régional pour l’Eau potable et l’Assainissement à moindre coût, Ouagadougou) avait calculé que le Burkina Faso pourrait économiser 72 millions € /an s’il parvenait à valoriser les nutriments contenus dans les excreta humains de toute la population, ce qui n’est évidemment pas possible mais donne un ordre de grandeur des possibilités maxi d’économies.
6) En quoi consiste ce procédé ? Comment est-il mis en oeuvre ?
Il existe plusieurs techniques d’éco-assainissement autonome. Leur variété devrait permettre le plus souvent, campagnes de sensibilisation à l’appui, de déterminer celle qui serait culturellement et économiquement acceptable. Il est souvent possible de trouver un bon compromis entre leur coût, leur mode d’entretien et les souhaits de la communauté concernée. Leur prix peut en effet paraître important, mais il est avantageusement comparable à celui d’autres latrines , il peut être compensé par des économies ou des ventes de compost et être réduit, avec l’inconvénient toutefois de nécessiter davantage d’entretien et de manipulations.
a) Leur principe de base est le suivant
Il ne diffère de celui des latrines à compost (voir la Fiche A 9) dont il n’est d’ailleurs qu’une variante écologique plus avancée, que par un dispositif de séparation des fèces et des urines.
Illustration WEDC
On réalise d’abord comme pour les autres types de latrine (voir la Fiche A 5 « Les latrines-Généralités ») une ou deux fosses, mais ici au-dessus du sol et d’un volume moindre (durée de remplissage souvent inférieure à un an), d’où leur nom fréquent de compartiments, ce qui permet plus facilement leur vidange et évite la pollution des nappes phréatiques.
Celles-ci sont couvertes d’une dalle, le plus souvent en béton mais parfois réalisée avec d’autres matériaux locaux moins coûteux (voir la même fiche).
Particularité des latrines ECOSAN, cette dalle est spécialement conçue pour permettre au-dessous d’elle un recueil et une évacuation séparés des fèces et des urines.
On surmonte la dalle d’une superstructure, là aussi plus ou moins sophistiquée (voir la même fiche) après avoir réalisé un dispositif d’auto-ventilation, comme dans le cas des latrines VIP (voir la Fiche A 8 « Les latrines VIP ») et on y dispose un récipient contenant, comme pour les latrines à compost, des cendres, des copeaux ou de la terre pour ajout aux excréments à chaque usage de la latrine, un réservoir étant placé à l’extérieur pour le recueil des urines.
b) Réalisation du siège ou de la dalle de séparation d’urine
Celle-ci peut se faire en atelier grâce à des moules. Mais elle peut aussi très bien se faire à domicile et à faible coût en utilisant de simples matériaux locaux.
Si cette séparation est réalisée avec un siège pour être plus confortable, elle peut l’être en utilisant simplement un seau en plastique que l’on utilise
- en découpant d’abord son fond pour en coller la moitié à mi hauteur du seau, en l’inclinant de façon à former un angle et à réaliser ainsi un réceptacle de l’urine, et en y perçant avec un fer chaud un trou auquel est fixé un tuyau d’évacuation ,
- en entourant le seau de fil de fer avant de le recouvrir de béton pour le solidifier,
- en réalisant un haut de siège siège ou un couvercle et en reliant le tout aux fosses et au récipient d’urine.
Mais il est aussi possible, pour une utilisation accroupie de la latrine, de réaliser cette séparation directement sur une dalle comportant deux trous plus importants dont l’un est réalisé au-dessus d’un seau, par exemple de 10litres, en plastique renforcé ou bétonné, monté en angle sous la dalle pour la récupération de l’urine.
Il est possible de consulter à cet effet, comme pour la construction d’ailleurs des autres éléments de la latrine, l’excellent guide abondamment illustré du CREPA « Latrines à compost » signalé à la fin de cette fiche et notamment les pages 50 à 61 (dont photo ci-dessus sur le début de fabrication d’un siège)
c) Quelques variantes de modèles
Lubricompostage avec des vers de terre - Schéma CREPA
La plupart des modèles comprennent une ou deux fosses-compartiments et un système d’autoventilation, mais :
- certains modèles plus simples, parfois surtout utilisés en ville ou par des familles peu nombreuses, se rapprochent des latrines à compost à filière biomaîtrisée (voir la Fiche A9) en remplaçant les compartiments extérieurs par deux seaux intérieurs placés sous le siège de la latrine.
- d’autres modèles plus simples à compartiment ne permettent pas une déshydratation complète des fèces : il est alors nécessaire de leur faire subir un traitement complémentaire par compostage adéquat. Schéma CREPA
(lubricompostage avec des vers de terre).
- d’autres modèles enfin, plus élaborés, permettent, par la réalisation d’un troisième orifice dans la dalle, un nettoyage anal après utilisation, l’eau utilisée à cet effet étant recueillie dans un récipient spécifique.
Modèles de latrines ECOSAN utilisés au Népal. Photo Wateraid
d) Utilisation de l’urine
On considère généralement :
- qu’il est préférable de recueillir l’urine dans des containers ou jerrycans en plastique (l’urine corrode le métal du fait de son PH élevé),
- qu’on ne doit pas utiliser plus d’1,5 litre d’urine par m2 de culture et par an afin d’éviter une hyper salinisation des sols,
- qu’il ne faut pas la verser directement sur les plantes ni trop près des racines (le faire plutôt dans des sillons), ni le faire à moins d’un mois des récoltes,
- qu’il est nécessaire de la diluer (au moins 1 volume d’urine pour.3 à 4 litres d’eau).
- que chaque personne produit chaque année la quantité d’urine suffisante pour apporter de l’engrais à environ 350 m2 (ce qui explique que ces latrines sont parfois moins utilisées à une échelle familiale que communautaire, les besoins en fertilisants étant moindres).
7) Difficultés particulières et remèdes et/ou précautions éventuelles à prendre
Tout contact d’urine avec des fèces risque de la contaminer fortement. Il convient donc de faire particulièrement attention à ce que les utilisateurs utilisent ces latrines correctement et n’introduisent pas d’urine dans les orifices des dalles ou des sièges réservés aux fèces ou inversement.
- Il convient de se laver les mains après chaque utilisation de la latrine ou utilisation du compost ou de l’urine.
- La plupart de ces latrines ne permettent pas de nettoyage anal. Il est possible de le réaliser néanmoins à
l’aide d’un récipient de broyat de végétaux, de sciure ou de copeaux. Certains modèles le prévoient
cependant en recueillant le peu d’eau utilisé correspondant dans un petit récipient.
8) Principaux avantages et inconvénients
a) Avantages
Latrine Ecosan intérieure chinoise. Photo Wikipedia EPFL
- permet de valoriser les urines et les excréments en les utilisant comme fertilisants.
- très hygiénique et écologique.
- moins onéreuse, moins odorante , plus rapide à construire, plus durable et rentable tout en assurant une meilleure protection de la nappe phréatique (fosses hors sol), que la latrine VIP, pourtant déjà un très bon type de latrine.
- facile à entretenir.
- coût d’investissement raisonnable et compensable par des économies d’engrais
- plusieurs types disponibles et plusieurs positions possibles (assise, accroupie)
b) Inconvénients
- Nécessite une forte adhésion de la population à son principe ainsi qu’une réelle formation préalable.
- Vidanges plus fréquentes (mais plus faciles, tous les 6-8 mois (fèces) et 30 jours (urine) que pour les autres.
- Risque de rejet pour des raisons psychologiques de tabous ou de coutumes.
- Risque d’obstruction des conduites d’urine par des fèces.
- Ne permet généralement pas (sauf modèles appropriés) de nettoyage anal.
- Nécessité d’ajouter de la cendre, de la sciure, des copeaux ou de la terre après utilisation.
Malgré tous ses avantages, il est cependant possible que la latrine ECOSAN avec séparation d’urine ne se développe pas aussi vite que les autres types de latrines en raison du niveau élevé de préparation et d’acceptation que cela requiert des populations, de leur difficulté fréquente d’accessibilité pour des personnes âgées ou handicapées, d’une maîtrise pas encore toujours bien assurée d’utilisation des produits dans les champs et surtout de son coût quand même relativement élevé d’investissement initial pour des familles à faibles revenus. Elle doit donc être bien adaptée aux conditions locales avant d’être introduite quelque part.es familles à faibles revenus. Elle doit donc être bien adaptée aux conditions locales avant d’être introduite quelque part.
9) Coût
Le prix varie de façon assez sensible selon les modèles, les matériaux utilisés et le pays.
Il est d’environ 150 à 280 € pour un compartiment et de 250 à 400 € pour deux compartiments
Il est très voisin du prix d’une latrine VIP (environ 140 à 240 € pour une simple fosse et 180 à 300 € pour une double fosse), et parfois même moins élevé, et pas beaucoup plus cher qu’une latrine à compost (130 à 250 € pour un compartiment)
10) Exemple de réalisation
De nombreux exemples d’utilisation de toilettes ECOSAN se trouvent dans la brochure de 29 pages,, traduite en français et bien illustrée « Ecosan:concept et technologies » de l’organisme allemande GTZ, disponible
sur : http://www.netssaftutorial.com/file...
11) Où s’adresser pour trouver davantage d’informations - Bibliographie ?
a) Sites Internet
Illustration WEDC
- PSEau : livre de 117 pages du CREPA (Peter Morgan) : « Latrines à compost », excellent ouvrage illustré et très pratique sur les divers types de latrines à compost, leur fabrication et leur utilisation, Voir notamment les pages 49 à 72 et 84 à 105. Document disponible, en ligne, sur : http://www.pseau.org/outils/biblio/...
- EAWAG (Institut de recherche suisse près de Zurich) : « Compendium des systèmes et technologies d’assainissement », livre très complet, illustré et bien documenté de 158 pages, pouvant être téléchargé entièrement ou par chapitre (6) et dont une partie est consacrée aux latrines ECOSAN.Disponible sur :http://www.eawag.ch/forschung/sande...
- Toilettes du monde : Fiche de synthèse illustrée sur les divers types de toilettes écologiques :
Disponible, en ligne, sur : http://www.toilettesdumonde.org/_da...
- Water Aid et WEDC (Université de Loughborough) en Angleterre : « Low cost toilet options » : Catalogue, en anglais mais surtout très largement illustré de dessins, des divers types existants de latrines, de fosses, de dalles et de superstuctures à faible coût, disponible sur :
https://wedc-knowledge.lboro.ac.uk/...
- AKVO, dynamique ONG Néerlandaise, a mis en ligne sur son portail un Wiki très bien documenté et illustré où figurent une cinquantaine de fiches très synthétiques, en français et en anglais, sur une cinquantaine de sujets relatifs à l’assainissement, dont les latrines ECOSAN Téléchargeable sur : http://akvopedia.org/wiki/Toilette_...
- Wikipedia – Ecole polytechnique de Lausanne : courte brochure « Trois exemples d’assainissement écologique » en Chine, au Yémen et au Mexique .
Disponible en ligne sur : http://wiki.epfl.ch/copropolis/ivtroexe ;
b) Vidéos
- CREPA (Ouagadougou) : Vidéo de 8’ « Notre urine vaut de l’or », expliquant pourquoi et comment :
Disponible, en ligne, sur : http://www.youtube.com/v/MdBJ6k377U...
- « Constructing an ECOSAN Toilet », excellente vidéo animée de 3 ‘de l’UNICEF expliquant le principe du compostage et celui des toilettes ECOSAN avec séparation des urines et des fèces,
disponible sur : http://www.youtube.com/watch?v=YV-1...
- “Ecosan toilet with bamboo superstructure” : Vidéo de 2’ montrant une latrine asiatique Ecosan à separation d’usine , douche incorporée et superstructure en bambou à faible coût :
disponible sur : http://www.youtube.com/watch?v=6xPq...
- « Ecosan toilet in Bengalore - towards sustainable sanitation » : viséo indienne de 5’ expliquant le fonctionnement d’une toilette Ecosan assez moderne , disponible sur : http://www.youtube.com/watch?v=SqpI...
- « Dry urine diversion toilet » : courte vidéo animée d’une minute montrant le mode d’utilisation d’une toilette ecosan avec séparation d’urine, http://www.youtube.com/watch?v=pYJE...
- « Biolatrines in the slums of Africa », vidéo de 3’ montrant, à partir de photos de l’AFD, la construction d’une grande latrine Ecosan dans un bidonville : http://www.youtube.com/watch?NR=1&a... ;