Des solutions simples et économiques pour 2,5 milliards de personnes n’ayant pas d’eau potable

icone Nous soutenir icone Connexion

en es

Wikiwater
Bouton menu

en | es

E23 - Le prétraitement -floculation, décantation- par utilisation de graines de moringa oleifera

1) De quoi s’agit-il ?

Il s’agit d’utiliser les graines d’un arbre tropical, le Moringa oleifera dans le processus de traitement de l’eau. L’utilisation de ces graines préalablement réduites en poudre permet de réduire considérablement la teneur en microorganismes de l’eau traitée.

2) Qui utilise ou recommande ce moyen et depuis quand ?

L’origine de l’utilisation de cette plante, désormais cultivée dans une trentaine de pays, se situe en Inde où elle était d’ailleurs plus connue pour sesvertus alimentaires et thérapeutiques.
Plusieurs instituts de recherche ou organismes se sont intéressés plus récemment à ses capacités de traitement au moins partiel de l’eau et ont mis au point des méthodes d’utilisation dont l’efficacité a été démontrée.
Ainsi, l’Institut des établissements humains à Bandung (Indonésie) a mis au point avec succès depuis plusieurs années un traitement de 25 l d’eau à domicile par floculation-décantation de 25 l à l’aide de Moringa puis filtration ainsi qu’une unité de traitement plus importante de 200 l avec utilisation de Moringa puis filtration sur gravier, sable et charbon de bois
De même, une équipe germano-burundaise a réalisé une usine de traitement à base de Moringa d’une capacité de 2,5m3/j desservant 100 personnes. L’eau y traverse par simple gravité un bassin de dessablage, un décanteur puis un filtre à sable lent de l’installation , la solution floculante à base de Moringa étant ajoutée continuellement à l’eau brute.

3) Pourquoi ?

Le Moringa oleifera pousse sur tous types de sols et résiste assez bien aux périodes de sécheresse.
Le Moringa oleifera a en outre un intérêt pharmacologique et alimentaire, les divers constituants du Moringa peuvant jouer un grand rôle de complément alimentaire et médicamenteux ;
En effet, l’huile est riche en Vitamine C et en fer, les racines sont riches en antibiotiques. Une feuille contient à elle seule 220 mg/100g de vitamine C, des acides aminés et des protéines (6,7%).Enfin, l’écorce secrète une résine antidiarrhéique, diurétique et fébrifuge.

 
Source : Ministère de la santé du Cambodge

Les conclusions de M. L. Price (projet Echo 2000) relatives aux qualités nutritionnelles du Moringa Oleifera étaient par exemple les suivantes :

 APPORTS NUTRITIONNELS DES ORGANES DE M. OLEIFERA.

AJR = Apports Journaliers
recommandés
Gousses Feuilles Poudre de feuilles
(50g)
Taux d’humidité (%) 86.9 75 3.25
Calories 26 92 102.5
Proteines (g) 2.5 6.7 13.55
84% AJR chez l’enfant
Lipides (g) 0.1 1.7 1.15
Glucides 3.7 13.4 19.1
Fibres végétales (g) 4.8 0.9 8.6
Ca (mg) 30 440 1
250% AJR chez l’enfant
Mg (g) 24 24 184
122% AJR chez l’enfant
Fe     94% AJR chez l’enfant
71% AJR chez la mère
Vit. A (mg) 0.11 6.8 8.15
143% AJR chez l’enfant
271% AJR chez la mère
Vit. B (mg) 423 423 -
Vit. C (mg)   220 8.65
9% AJR chez l’enfant
22 AJR chez la mère

4) Qui est surtout concerné ?

Ce sont surtout les populations des régions tropicales et subsahariennes qui sont concernées. En effet, le Moringa oleifera ne pousse que dans ces régions..
Le procédé, peu coûteux, y est surtout utilisé , quoique non exclusivement, pour un usage familial ou pour une petite collectivité.

5) En quoi consiste ce procédé ? Comment est-il mis en oeuvre ?

Voici 2 exemples de protocoles de traitement à partir de graines de Moringa oleifera

a) Premier exemple de protocole de traitement cité par PROPAGE (Emilie Chantrel et Armelle de Saint Sauveur)

Le mélange de graines broyées peut être préparé autant à partir des graines que des résidus pressés (tourteaux) obtenus après l’extraction de l’huile des graines. Les étapes pour purifier l’eau trouble dans le contexte d’un ménage sont pour ce protocole les suivantes :
 

-  Les gousses contenant les graines doivent devenir matures en séchant naturellement sur l’arbre jusqu’à ce qu’elles soient de couleur brune ;

-  Une fois les gousses récoltées, les graines sont retirées, puis décortiquées (les ailes et l’enveloppe autour de l’amande sont retirées), seules les graines blanches ou jaunâtres sans signes de ramollissement, de décoloration ou d’extrême dessèchement sont utilisées.


Graines de moringa . Photo Banque Pdf

- La graine (l’amande) est broyée et tamisée, avec des trous de 0,8 mm ou équivalent. La technique traditionnelle du pilon/mortier, utilisée pour fabriquer la farine de mais a été considérée comme acceptable pour broyer les graines de Moringa oleifera.

-  La poudre fine récoltée est mélangée avec de l’eau propre pour former une pâte. Pour traiter 20 litres d’eau, produire une pâte avec 2 grammes (2 cuillerées à soupe) de poudre de graines, ce qui correspond à environ 20 amandes broyées (une par litre). Si l’eau est peu trouble, vous pouvez utiliser seulement une amande pour deux litres. L’expérience déterminera le dosage optimum.

-  Diluer la pâte dans une tasse d’eau propre (provenant d’une bouteille scellée) et brasser vigoureusement la solution durant 5 minutes pour faire réagir les éléments chimiques de la poudre et favoriser l’extraction du floculant. Les solutions mères à 2% sont les plus efficaces, ce qui signifie que les deux grammes de poudre devront être diluées dans 100 grammes d’eau ;

-  Retirer le matériel insoluble par filtration à travers un tissu de mousseline, une moustiquaire à maille fine ou un tissu en nylon ou en coton (diamètre des pores de 10µm). Le liquide filtré, d’apparence laiteuse, est la solution mère. Elle doit être légèrement secouée avant emploi. Dans les climats chauds, cette suspension ne peut pas se conserver et doit donc être préparée tous les jours. A 18-19°C, elle peut se conserver trois jours et réfrigérée, une semaine.

-  Remuer l’eau à traiter rapidement tout en versant vigoureusement la solution mère. L’agitation rapide doit être maintenue durant 30-60 secondes à 2 minutes.

-  Ensuite une agitation plus lente et régulière (18-20rpm) est nécessaire pendant 5 à 15 minutes. Pour la régularité, une chanson avec des mots de deux syllabes peut être utilisée, un mot entier correspondant à une rotation complète.

-  Laisser reposer l’eau dans le seau, sans le faire bouger, durant 1 à 2 heures ;

-  Quand le matériel solide est décanté dans le fond du seau, l’eau propre peut alors être récupérée en vérifiant la turbidité à l’œil nu.

-  Faire enfin bouillir ou ajouter une substance qui tuera les bactéries, telle que le chlore ou l’eau de Javel (une ou deux gouttes par litre) pour rendre l’eau complètement saine et sans danger pour la consommation humaine.

b) Second exemple de protocole de traitement (indiqué par Mr Sakho (ONG AGADA, Sénégal)

Celui-ci est beaucoup plus simple. Exemple pour le traitement de 20l d’eau :

- Décortiquer et écraser les graines sèches de M. oleifera jusqu’à obtenir une farine

-   Mettre 1 cuillère à café par 10 litres d’eau dans une bouteille d’eau claire

-   Agiter fortement pendant 5min

-   Déverser le contenu de la bouteille dans le récipient d’eau à purifier au travers d’un filtre en tissu

-   Remuer rapidement pendant 2min puis lentement pendant 10min

-   Laisser reposer

Les contenants utilisés doivent être nettoyés après chaque utilisation, de manière à retirer les éléments insolubles des graines. Quoique les graines et les amandes puissent être emmagasinées durant de longues périodes, la pâte devrait être renouvelée à chaque traitement de l’eau

 

Document de sensibilisation des villageois à l’utilisation du moringa olifeira pour le traitement de l’eau
Source : ONG AGADA , Ziguinchor


6) Difficultés particulières - Précautions éventuelles à prendre

La préparation du floculant de Moringa oleifera est longue et relativement complexe à l’échelle familiale. Cette méthode laborieuse nécessite d’être parfaitement effectuée et peut présenter un risque de contamination bactérienne lors des nombreuses étapes prévues par certains protocoles, notamment lors du stockage de l’eau épurée dans l’habitation. La population doit donc être bien sensibilisée à son usage adéquat.

7) Principaux avantages et inconvénients

Important : Ils dépendent beaucoup de l’échelle à laquelle cette technique est utilisée

a) Le traitement à l’échelle familiale

présente les avantages suivants :

-   il est peu coûteux et peut s’appliquer dans les zones les plus isolées,

-   il permet le maintien de techniques traditionnelles,

-   il est généralement bien compris et accueilli par les villageois qui peuvent utiliser en même temps les nombreuses autres avantages alimentaires et pharmacologiques de cette plante qui pousse facilement..

mais aussi quelques inconvénients :

-   la réussite dépend du degré de formation de la population, laquelle est indispensable,

-   le traitement de l’eau demande beaucoup de temps, ce qui nécessite le concours de plusieurs,

-   les problèmes de dosage, d’agitation et de mauvais entretien des ustensiles sont courants,

-  l’eau peut être contaminée par les ustensiles de puisage ou de stockage,

-  la purification n’est que partielle et le traitement doit être complété pour plus de sécurité.

b) Le traitement à l’échelle d’une petite commune


Fleur de moringa

Il est intéressant dans le cas de populations de plus de 1 000 personnes et réalisé alors dans des installations spécifiques,
 Anantages

-  il permet une économie d’échelle et une meilleure facilité de traitement,

-  il crée des emplois et permet de créer de petites entreprises communales,

-  il permet un véritable contrôle de la qualité des eaux et l’amélioration des conditions sanitaires,

-  il évite les effets secondaires liés, s’ils ne sont pas corrigés, à l’utilisation dans la plupart des grandes stations de traitement de sulfate d’alumine,
 - il est toutefois possible de remplacer temporairement et exceptionnellement le Moringa par de l’alun en cas de manque de produit.

 Par contre une telle exploitation implique :

-  de l’espace pour les arbres, de l’eau pour la culture, de l’énergie pour le pompage,

-  d’éventuelles difficultés économiques et techniques (surveillance bactériologique) si l’installation a été faite par une organisation étrangère sans préoccupation de suivi après son départ,

-  un prix à payer pour les consommateurs (donc un risque de retour à une boisson non potable en cas de manque d’argent),

-  d’éventuels problèmes de qualification du personnel de maintenance et de nettoyage de l’usine

c) L’utilisation industrielle du Moringa pour le traitement de l’eau potable

En théorie, cette méthode peut être utilisée pour des stations de type industriel. Toutefois, compte tenu des quantités importantes de produit nécessaires au traitement, le Moringa y est généralement davantage utilisé de façon temporaire ou en complément comme produit de substitution aux floculants habituels comme le sulfate d’alumine.

Avantages

-   Le coût de la graine de Moringa est, ou peut être, dans certains pays compétitif par rapport aux floculants industriels. Cependant on manque de recul et d’études économiques sur ce point.

-   C’est un produit d’origine tropicale, intéressant pour les pays du sud car ne faisant pas l’objet de taxes d’importation et ne nécessitant pas de payement en devises,

-   Les coagulants métalliques induisent une pollution qu’il faut contrôler, le Moringa ne contient pas de produits chimiques nocifs laissant des traces dans les boues et les eaux,

-   L’utilisation de l’huilede moringa permet de rentabiliser l’épuration et la floculation

-   L’efficacité du Moringa comme floculant ne dépend pas du pH de l’eau, ce qui évite d’avoir à utiliser des rectificateurs d’acidité.

-   Les erreurs de dosages n’induisent pas de toxicité.

Inconvénients

-   Les graines mises en solution relarguent de la matière organique, ce qui facilite la croissance bactérienne,

-   Approvisionnement dépendant d’une production agricole, nécessité de constituer des stocks pour parer aux fluctuations. Les conditions de stockage optimales doivent être déterminées,

-   Les concentrations en coagulant sont supérieures à celles requises avec le sulfate d’alumine,

-   La décantation à des températures basses est difficile.

8) Coût

Sans compter les investissements tels qu’un moulin ou une pompe, le coût de production d’un kilo de poudre est estimé entre 1€ et 2€. Cependant, les familles cultivant le Moringa peuvent espérer faire jusqu’à 1€ de bénéfice par kilo.
Une idée plus précise des coûts par pays est disponible sur le site de Moringa news : http://www.moringanews.org/doc/FR/A...

9) Observations, recommandations et suggestions éventuelles

Si l’eau est de bonne qualité bactériologique, ce traitement peut suffire (par exemple eau de puit non contaminée mais présentant une couleur ou un goût désagréables, comme les eaux riches en fer), sinon il est nécessaire de compléter le traitement avec une désinfection au chlore.
Cette technique peut aussi être utilisée avec d’autres coagulants comme l’alun en cas de manque de graines.

Comme pour tous les coagulants, l’efficacité des graines de Moringa peut varier d’une eau trouble à une autre. Des tests doivent donc être entrepris pour déterminer l’efficacité sur une eau en particulier et établir le dosage optimal selon la saison. L’application pratique des solutions de dosage est exactement la même que pour tous les autres coagulants, des « jar-tests » doivent toujours être établis pour déterminer la dose spécifique requise pour l’eau à traiter. D’autre part, la qualité de l’eau utilisée pour la solution mère joue un rôle dans l’efficacité du traitement.

10) Exemple de réalisation

Voir les exemples déjà cités d’utilisation.

11) Où s’adresser pour trouver davantage d’informations - Bibliographie ?

a) Sites Internet

- PROPAGE : Document intéressant de 10 pages, avec bibliographie, précisant les différentes techniques d’utilisation du Moringa Olifeira selon la taille de l’unité de traitement.
Document disponible, en ligne, sur : www.moringanews.org/document...

- Moringa News : Même type de document mais plus conséquent (8 pages) donnant de multiples exemples d’utilisation et leur coût. Dosponible, en ligne, sur :www.moringanews.org/doc/FR/A...

- Fondation Ensemble et Médecine de la nature : Fiche illustrée de 3 pages « Moringa olifeira : l’arbre de la vie » expliquant la nature et les vertus du moringa olifeira
https://www.fondationensemble.org/wp-content/uploads/2014/10/FT_moringa.pdf

- Réseau Arbres tropicaux : publication d’un dossier (voir pages 11 à 14) « Traitement de l’eau : y a-t-il une solution miracle avec moringa olifeira ? » expliquant l’intérêt mais aussi les limites du procédé.
https://www.consoglobe.com/les-graines-de-moringa-pour-purifier-leau-cg

b) Vidéos

- Première Vidéo de 3’ “Purifying water with seeds from the moringa olifeira tree” montrant comment une villageoise purifie son eau de cette manière. Vidéo disponible sur : http://www.youtube.com/watch?v=UKhC...

-  Autre vidéo en anglais de 4’ « Moringa oleifera miracle tree » montrant les diverses utilisations de cette plante ainsi que de vastes champs de culture. Disponible, en ligne, sur : http://www.youtube.com/watch?v=rDna...

- Autre vidéo très complète de 10 ,en anglais avec sous-titres en espagnol, « Documental sobre Moringa » tournée aux Philippines et en montrant la culture et les différents usages. Disponible, en ligne, sur : http://www.youtube.com/watch?v=wBl9...

c) Bibliographie

Faby J.A. et Eleli A., 1993 - Utilisation de la graine de Moringa, essais de floculation au laboratoire et en vraie grandeur. CIEH/EIER/Oieau, Série hydraulique urbaine et assainissement, 1993, 132 pp.

Foidl N., Makkar H.P.S. and Becker K., 2002. Potentiel du Moringa oleifera pour les besoins agricoles et industriels. In : Saint Sauveur, Appora, Besse et Fuglie, Potentiel de développement pour les produits du Moringa, Actes de l’atelier international de Dar es Salaam, 29 octobre-2 novembre 2001, CIRAD/PROPAGE/SILVA, Montpellier, France (disponible aussi sur www.moringanews.org et dans L. Fuglie, 2002. « L’arbre de la vie », CWS/CTA, Dakar, Sénégal)

Folkard G., 1997 - The development of the Moringa oleifera and stenopetala tree to provide valuable products : coagulant for water/wastewater treatment and vegetable oil. Rapport à la Commission Européenne, DG 12, projet de recherche n° TS3*CT94-0309, période 1995-1997.


Contributions à cette fiche

Pas de contribution