A17 - Les divers moyens de traitement écologique des effluents à la place des stations d’épuration classiques. Présentation générale

8 février 2012

1) De quoi s’agit-il ?

Cette fiche présente différents dispositifs écologiques de traitement des effluents, sans station de traitement industrielle, applicables à des communautés allant d’une dizaine à plusieurs milliers de personnes. Ces dispositifs de natures assez diverses s’appuient essentiellement sur l’utilisation de filtres plantés, de filtres à sable et de lagunes. Leur but est de rejeter dans la nature une eau suffisamment propre pour éviter la propagation de maladies et la contamination des nappes phréatiques. Ils correspondent en fait à un assemblage de différents éléments qui sont presque toujours les mêmes : des lagunes, des filtres à sable, des filtres à plantes macrophytes (roseaux…), précédés de systèmes de dégrillage, de dégraissage, de systèmes de bâchées ou de décanteurs-digesteurs.

- Fiche A 18 : Les dégrilleurs et les systèmes de bachées
- Fiche A 19 : Les bacs dégraisseurs ou les décanteurs digesteurs
- Fiche A 20 : Les filtres plantés ou lits de séchage
- Fiche A 21 : Les techniques de lagunage
- Fiche A 22 : Les filtres à sable
- Fiche A 23 : Le traitement par massif filtrant

La présente fiche explique comment assembler ces différents éléments pour obtenir un dispositif de traitement répondant aux besoins d’une situation donnée.
Les détails techniques sur la mise en place de chaque élément sont donnés dans les fiches annexes indiquées ci-dessus.

2) Qui utilise surtout ce moyen ?

Ce sont surtout des villes, disposant en périphérie de surfaces suffisantes de terrains, dans les pays développés mais aussi de plus en plus dans les pays en développement, y compris parfois dans de petites agglomérations en zone rurale. Certains dispositifs sont même utilisés à titre familial.

3) Pourquoi ?

Parce que ces dispositifs permettent de traiter les eaux usées à moindre coût, sans devoir utiliser de traitements physico-chimiques et d’installations industrielles comme dans les stations d’épuration classiques. Ils permettent d’épurer l’eau par traitement biologique naturel et de la rejeter dans la nature sans craindre la pollution des nappes phréatiques ni la propagation de maladies. L’eau ainsi épurée peut servir à l’irrigation, voire à la création de bassins de pisciculture, source de revenus.

4) Quels sont les principaux dispositifs de traitement ?

Les plus connus sont le lagunage et l’utilisation de filtres plantés de végétaux macrophytes, pour lesquels des fiches spécifiques ont été établies. Mais il existe en fait de nombreuses possibilités d’assemblage d’éléments épurateurs ou filtrants, correspondant chacun à des usages spécifiques. Nous allons ici en exposer les principaux exemples.

Dispositif Capacité de traitement
Nombre d’habitants
Surface requise
Ordre de grandeur
Fiches annexes nécessaires
1/ Filtre planté vertical 10 à 2000 4,5 m²/habitant 18 et 20
2/ Série de filtres plantés verticaux 10 à 2000 9 m²/habitant 18 et 20
3/ Association de filtres plantés verticaux et horizontaux 10 à 2000 7,5 m²/habitant 18 et 20
4/ Décanteur/digesteur et filtre à sable 50 à 2000 3 m²/habitant 18 , 19 et 22
5/ Filtre planté vertical et filtre à sable 10 à 2000 7,5 m²/habitant 18, 20 et 22
6/ Filtre planté vertical et lagunage 100 à 5000 7,5 à 10 m²/habitant 18, 20 et 21
7/ Lagunage 100 à 5000 10 à 15 m²/habitant 18 et 21
8/ Lagunage et filtre à sable 100 à 2000 6 à 8,5 m²/habitant 18, 21 et 22
9/ Décanteur/digesteur et lagunes 100 à 2000 8 à 12 m²/habitant 18, 19 et 21

Dispositif n°1 : Filtre planté vertical

Ce dispositif est le plus élémentaire et le plus simple à mettre en place. Il est envisageable à l’échelle familiale. Il ne permet pas l’épuration des eaux noires, mais seulement des eaux grises. Il effectue un traitement sommaire de l’eau.

Dispositif n°2 : Série de filtres plantés verticaux

Dans ce dispositif, le premier étage est composé de trois filtres en parallèle et le deuxième étage en possède deux.
Il est recommandé que le dénivelé sur le terrain occupé par une telle installation soit d’environ 4m. Dans le cas contraire, il faut relever l’eau au moyen d’une pompe.
Ce dispositif est utilisable pour le traitement des eaux grises domestiques.

Dispositif n°3 : Association de filtres plantés verticaux et horizontaux

Le filtre horizontal nécessite une pente moins grande que le filtre vertical. Deux à trois mètres de dénivelé suffiront pour cette installation. Il est important que l’eau passe en premier par le filtre planté vertical : c’est une étape nécessaire pour éviter le colmatage du filtre horizontal.
On a constaté que ce dispositif est plus efficace que le précédent pour éliminer les germes issus des matières fécales. Il lui sera donc privilégié dans le cas d’un traitement des eaux noires (eaux domestiques + fèces + urine).
Une variante de ce dispositif consiste à remplacer le système de bâchées et le filtre vertical par un décanteur, ce qui permet d’envisager l’installation sur un terrain avec un dénivelé d’un mètre. Il est donc utilisable sans pompe sur un terrain de pente plus faible.

Dispositif n°4 : Décanteur/digesteur et filtre à sable

Ce dispositif est plus simple à mettre en place que la plupart des autres. Il permet le traitement des eaux grises et des eaux noires. Le décanteur/digesteur vient en prétraitement du filtre à sable pour éviter son colmatage et améliorer l’efficacité du traitement.
Une telle installation prend moins de place au sol que les autres (environ 3m²/habitant). Elle est donc à conseiller pour des zones péri-urbaines ne disposant pas de beaucoup de place.

Dispositif n°5 : Filtre planté vertical et filtre à sable

Dans ce dispositif, le filtre planté vertical est suivi d’ un filtre à sable. L’effet de chacun de ces éléments sur les eaux usées n’étant pas le même, les deux traitements se complètent. Il est important de placer le filtre à sable après le filtre planté vertical afin d’éviter le colmatage du filtre à sable.
Une telle installation permet le traitement des eaux grises et des eaux noires.

Dispositif n°6 : Filtre planté vertical et lagunage

Ce dispositif permet aussi le traitement des eaux grises et des eaux noires.
Il est notamment mis en place lorsqu’un système de lagunage préexistant (comme celui du dispositif n°7) ne suffit plus à cause d’une augmentation de la population. On peut alors ajouter un étage de filtres plantés verticaux en amont dimensionné sur une base de 1,2 m²/habitant et ainsi doubler la capacité de traitement sans occuper deux fois plus d’espace.

Dispositif n°7 : Suite de lagunes

Un tel dispositif peut être utilisé à grande échelle pour le traitement des eaux grises et des eaux noires. On peut d’ailleurs augmenter les nombre de lagunes pour une meilleure épuration.

Exemples de tels dispositifs (source : www.globenet.org) :

1. A Rufisque, près de Dakar, une telle installation traite les eaux usées de 5000 habitants (capacité de 105m3 par jour). Elle occupe un demi-hectare. La première lagune sert de fosse de décantation/digestion et fait 1m85 de profondeur. Six bassins de lagunage en série, couverts de laitues d’eau, assurent le reste du processus d’épuration. Le prix total de l’installation a été de 26 millions de francs CFA. Avec un amortissement annuel d’environ 2 millions de Francs CFA (30000€), les recettes consécutives à la vente de l’eau épurée et du compost permettront de rentabiliser l’investissement sur un délai de 6 ans et de rémunérer 15 ouvriers à hauteur de 50.000 FCFA/mois (80€/mois) à partir de la 2ème année de fonctionnement.

2. Un autre exemple est l’installation de Mirzapur au Bangladesh, qui traite environ 6300 m3 d’eaux usées par jour. Voici sa composition :
- Lagune primaire anaérobie de 2,5m de profondeur sur 24 hectares (temps de séjour de 24h)
- Lagune à lentilles d’eau de 9000m². Les lentilles d’eau permettent de réduire la surface nécessaire tout en gardant la même qualité. Elles forment un film recouvrant toute la surface de la lagune.
- Bassin de lagunage tertiaire à lentilles d’eau.
- Lagune à pisciculture d’un hectare où l’on élève des carpes, rohu, catla et autres espèces.
L’exploitation de cette installation a créé des emplois nécessitant seulement une petite formation de base. Elle permet de produire du fourrage à partir des lentilles et de produire 6 tonnes de poisson par an.
Le coût initial de l’installation est de 22 000 dollars.

Dispositif n°8 : Lagunage et filtre à sable

Dans ce dispositif, utilisable pour les eaux grises et les eaux noires, un filtre à sable vient compléter le traitement effectué par les lagunes. Comme les filtres à sable occupent moins de place que les lagunes, c’est une possibilité intéressante de réduire l’espace occupé par l’installation.
L’ajout d’un filtre à sable en aval de la suite de lagunes permet d’améliorer le traitement d’une lagune préexistante surchargée suite à un accroissement démographique (même remarque que pour le dispositif n°6).

Dispositif n°9 : Décanteur/digesteur et lagunage

Un décanteur/digesteur peut venir en prétraitement. C’est un grand récipient dans lequel les eaux usées séjournent suffisamment longtemps pour que les impuretés solides tombent au fond et les graisses remontent à la surface. Cela permet d’améliorer les performances épuratoires des lagunes.

A Thiès, au Sénégal, un tel dispositif d’une capacité de 10m 3 par jour a été mis au point pour épurer les eaux usées d’un abattoir. Les étapes du traitement sont :
- une fosse de dégraissage (semblable au décanteur/digesteur) qui fait chuter la teneur de matières en suspension de 30%
- Une lagune de 2m de profondeur et d’une surface de 20m², ce qui correspond pour un débit de 10m3 par jour à un temps de séjour de 4 jours
- Une lagune à microphytes (micro algues) d’une profondeur de 1,2m et d’une surface de 180m², soit 22 jours de temps de séjour
- Deux lagunes à macrophytes (laitues d’eau) en série, d’une profondeur de 50cm et d’une surface de 200m² chacune, soit 10 jours de temps de séjour dans chacune.
La qualité en sortie de station est très satisfaisante et l’eau est réutilisée par l’abattoir pour le nettoyage des peaux.
L’amortissement annuel de cette unité est de 400 000 francs CFA et les charges totales s’élèvent à 550 000 francs CFA /an.

5) Utilisation possibles de l’eau en sortie de station

L’eau récupérée à la sortie d’un dispositif d’assainissement peut être rejetée dans un cours d’eau. Mais, si sa qualité est suffisante, il existe plusieurs manières de la revaloriser :
- Cette eau peut être stockée pour être réutilisée dans l’irrigation
- Elle peut alimenter un bassin d’élevage de poissons : cf. exemple de la station Mirzapur évoqué dans le paragraphe sur le dispositif n°6
- Elle peut être réinjectée dans la nappe phréatique : cf. fiche E 11 « Les méthodes de réalimentation des nappes phréatiques ».
- Elle peut être rejetée dans une saulaie ou roselière, qui formera une zone tampon dans laquelle son traitement se poursuivra, et qui peut être exploitée à des fins lucratives (en fonction de sa taille)
- Elle peut être enfin réutilisée pour des besoins industriels ou artisanaux.

6) Où trouver davantage d’informations ?

a) Sites Internet

- EAWAG (Institut de recherche suisse près de Zurich) : « Compendium des systèmes et technologies d’assainissement » : livre très complet, illustré et bien documenté de 158 pages, pouvant être téléchargé entièrement ou par chapitres (6) et dont les pages 93 à 123 sont consacrées aux principaux moyens semi centralisés et écologiques de traitement des eaux usées, en cliquant sur :
 http://www.eawag.ch/forschung/sande...
 
- Rapport de l’Agence de l’eau Loire-Bretagne sur les filtres plantés et autres méthodes d’assainissement. Pages 27 à 34
http://www.arsatese-loirebretagne.a...

b) Bibliographie

- Guide méthodologique SMC (Stratégies municipales concertées), du PDM et du PSEau : « Choisir des solutions techniques adaptées pour l’assainissement liquide », guide illustré très intéressant et bien documenté de 136 pages réalisé par le GRET dont les pages 110 à 127 traitent le problème du traitement intensif des boues de vidange de fosses et des eaux usées..
 Ce guide peut être demandé au GRET (45 avenue de la Belle Hélène 94736 Nogent/Marne Cedex) ou au PSEau ( www.pseau.org )

 



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