E25 - Les perspectives du dessalement d’eau de mer

8 février 2012

1) De quoi s’agit-il ?

De voir quelles sont les principales techniques de transformation d’eau de mer ou d’eau saumâtre en eau potable et leurs perspectives d’avenir, étant précisé que la salinité de l’eau varie selon les régions et peut affecter des puits ou des nappes phréatiques
L’eau des océans atlantique et pacifique a une salinité moyenne d’environ 35à 36g/l. mais, dans des régions comme le Golfe Persique, la salinité atteint 42g/l, chiffres à comparer avec la salinité de l’eau potable qui est comprise entre 0,1 et 0,5 g/l,.
Le dessalement à effectuer est donc plus ou moins intense. Il est réalisable par plusieurs techniques qui permettent d’éliminer environ 99% de la salinité de l’eau salée.

Remarque importante : cette fiche a un caractère très technique qui peut la rendre plus difficile à lire ou à comprendre que les autres. Il est donc conseillé d’en parcourir surtout les principaux éléments et d’en découvrir les caractéristiques essentielles sans s’appesantir sur les détails ni sur les schémas, sauf intérêt particulier.
Elle peut de plus sembler ne concerner que des pays riches. Or cette technique est en assez rapide évolution et, bien qu’encore coûteuse, elle est de plus en plus utilisée dans des grandes villes côtières de pays en développement. En outre, de nouvelles techniques, sans doute prometteuses et mieux adaptées à de petites unités ou villages isolés, sont en train d’apparaître, ouvrant des perspectives nouvelles, mais à confirmer, pour des populations sans gros moyens.

2) Qui a réalisé et développe cette technique ?

Il existe deux principaux moyens de dessaler l’eau de mer : le traitement membranaire (osmose inverse) et les traitements thermiques (distillation flash, compression de vapeur). Ces procédés ont été développés à grande échelle par de grandes sociétés industrielles, essentiellement françaises , espagnoles, américaines, japonaises et coréennes. Mais de nouvelles techniques ou de nouveaux types d’installations de caractère pilote commencent à faire leur apparition avec de petites entreprises ou organismes de recherche notamment pour de petites unités fixes ou mobiles de dessalement dans des sites isolés.

3) Pourquoi ?

Actuellement, plusieurs millions de personnes vivent dans des régions qui souffrent de graves pénuries d’eau.
Le dessalement est un moyen d’augmenter l’offre d’eau potable. Certains experts prédisent que l’eau de mer dessalée deviendra une source d’eau importante du 21 ème siècle, en considérant que 42 villes de plus d’un million d’habitants sont situées sur une côte et qu’une majorité de la population mondiale vit à moins de 50 km des côtes maritimes.

4) Qui est concerné ?

Cette méthode est applicable dans les régions proches de la mer où la ressource d’eau douce disponible pour la consommation humaine est inexistante ou insuffisante. Il faut aussi que la population ait les moyens financiers suffisants pour en assurer le coût.
Les petites unités sont utilisées sur de nombreux navires et sous-marins, mais aussi pour l’alimentation des hôpitaux et des hôtels en bord de mer. Mais il en apparaît actuellement de nouvelles pour des sites isolés où il faut traîter des eaux saumâtres. Les grosses installations sont réalisées dans les pays développés tels que le Moyen-Orient, les Etats-Unis, l’Espagne et l’Australie en raison du coût élevé des infrastructures et du coût de l’énergie nécessaire à leur fonctionnement.

5) En quoi consiste ce procédé ? Comment est-il mis en oeuvre ?

a) Les Méthodes les plus utilisées

Ce sont, à part à peu près égale, l’osmose inverse et les procédés « thermiques » basés sur la distillation de l’eau de mer. Cette technique est souvent associée à une centrale de production d’électricité, les vapeurs d’échappement des turbines étant utilisées pour alimenter les unités de dessalement.

L’osmose inverse est un système de purification de l’eau par passage sous pression à travers une membrane semi-perméable qui a la propriété de retenir la quasi-totalité des sels dissous. A partir d’une quantité d’eau de mer à traiter, on obtient environ 40 à 45% d’eau dessalée à travers la membrane tandis que l’autre partie qui contient de l’eau de mer concentrée en sels doit être rejetée.

Le procédé de dessalement par osmose inverse nécessite la mise en œuvre d’un ensemble de traitement en amont et en aval. Le schéma de dessalement comprend en général les phases suivantes  :
- Le prétraitement qui comprend une ou plusieurs étapes de filtration pour éviter le colmatage des membranes et une injection de réactifs chimiques pour éviter l’entartrage
- Le pompage à haute pression pour alimenter les membranes d’osmose inverse placées dans des modules, souvent couplé avec un système de récupération d’énergie
- Le posttraitement pour ajuster la salinité aux normes de l’eau potable.


Eléments constitutifs d’une unité d’osmose inverse

Le procédé par osmose inverse peut être utilisé pour la réduction de la salinité des eaux saumâtres ou la réduction de la dureté

Les procédés thermiques par évaporation ou distillation 
Ils nécessitent de l’énergie sous forme de chaleur.. Ils fonctionnent sur le principe de l’évaporation de l’eau de mer, la condensation de la vapeur permettant ensuite de récupérer de l’eau quasiment déminéralisée. Il existe plusieurs procédés.

La distillation à simple effet : c’est la méthode la plus simple, mais d’un rendement réduit. Utilisée surtout par les navires disposant d’une source d’énergie.
La distillation flash multi-étages (Multi-Stage Flash) est la plus utilisée pour les installations industrielles


Principe de fonctionnement d’un système par détentes successives (MSF) à 3 étages

La distillation à multiples effets ( Multi Effect Distillation)

Principe de fonctionnement d’un système d’évaporateurs multiples effets (MED)


Principe de fonctionnement d’un système d’évaporateurs multiples effets (MED)
Principe de fonctionnement d’une unité d’évaporation simple-effet avec compression de vapeur

 

Comme pour l’osmose inverse, le système de dessalement doit être précédé d’un prétraitement, mais plus léger en raison d’un moindre risque de bouchage. Par contre, le traitement final de reminéralisation est obligatoire en raison de la très faible minéralisation de l’eau traitée.

Remarques
Le dessalement d’eau de mer peut être réalisé en utilisant des énergies renouvelables (solaire ou éolienne). L’osmose inverse sera préférée aux procédés thermiques. Ceci ne peut concerner que des petites unités. En plus du coût élevé, il faut tenir compte de leur discontinuité (solaire) et des aléas climatiques (solaire éolien), d’où nécessité d’un stockage d’énergie.
Il existe un autre procédé, mais beaucoup moins utilisé, l’électrodialyse à membrane sélective. Il consiste à utiliser la mobilité des ions d’un sel dissous soumis à un champ électrique. A son action, les anions gagnent l’anode et les cations la cathode et le dessalement se réalise par une alternance de membranes cationiques (perméables aux cations) et de membranes anionique. Il est concurrencé par l’osmose inverse dans le traitement des eaux saumâtres pour lequel il est parfois utilisé.

b) Les méthodes ou dispositifs plus simples et plus récents pour de petites installations

Destinées surtout à essayer de résoudre les problèmes des sites ou des régions où il n’est pas possible, ni financièrement envisageable, de construire de grandes installations, ces techniques sont actuellement en cours de développement par de petites sociétés innovantes et sont appelées à se développer et à ouvrir d’intéressantes perspectives, notamment dans certaines régions des pays en développement.

Ainsi, la récente et ingénieuse société TMW (Water and Heat Technologies, Paris) vient de mettre au point un procédé plus simple et moins onéreux de dessalement d’eau de mer ou d’eau saumâtre, « l’Aquastill », unité mobile d’une seule pièce et tous terrains pour sites isolés dont le principe est basé, ni sur l’osmose inverse, ni sur la distillation, mais sur la condensation de la vapeur d’eau, laquelle nécessite beaucoup moins d’énergie que la distillation.


Principe de fonctionnement de l’Aquastill de TMW

Arrivant dans le dispositif par simple gravité, l’eau de mer (1) est préalablement préchauffée (par économie) par échange thermique (2) avec l’eau douce produite, puis elle est portée à une température plus élevée par nouvel échange thermique avec l’air chaud humide généré par l’évaporation de l’eau de mer dans l’équipement(3). Cette eau alimente ensuite le module central de l’Aquastill (4) : un échangeur à plaques constitué de plaques verticales et parallèles en plastique dont le nombre et les dimensions sont modulables en fonction des besoins, et sur les quelles la vapeur d’eau se condense. Chaque plaque comporte un côté « évaporation »(5) où l’air se charge, à contre courant de l’eau de mer, en humidité par diffusion et un côté « condensation » (7) où, après avoir été surchauffé (6) l’air humide se condense à son contact, sa température étant moins élevée. L’eau condensée est ensuite évacuée (8) vers un réservoir d’eau douce.
 

En gros, le dispositif consiste à faire ruisseler de l’eau salée par gravité sur une simple plaque en plastique, donc peu coûteuse, et de la faire évaporer (et non bouillir) par diffusion dans de l’air circulant à contre-courant. Cet air chaud et gorgé de vapeur d’eau est alors surchauffé, par exemple par ajout de vapeur, pour faciliter sa condensation ultérieure, laquelle se produit lorsque, chaud et humide, il passe sur l’autre côté plus froid de la plaque, et s’y dépose du fait de la différence de température (un peu comme le fait par exemple sur une vitre, refroidie de l’extérieur, de l’air humide et chaud d’une pièce ou d’une salle de bains avec un bain chaud).
Ce procédé permet de récupérer la moitié de l’eau de mer en eau douce. Il permet aussi de traiter des eaux trop chargées en certains métaux tels que le fluor ou l’arsenic. Il consomme seulement 0,2 Kwh/m3 d’électricité (alimentation du ventilateur de circulation d’air) et 60 Kwh/m3 de chaleur. Il ne nécessite pas de préfiltration ni de prétraitement chimique. Une unité de capacité 10 m3/j pèse 90 Kg.

 Cette entreprise a en outre le mérite d’avoir proposé à des ONG de développement d’installer gracieusement quelques installations pilotes sur des sites ou dans des communautés à faibles revenus.

6) Difficultés particulières et/ou précautions éventuelles à prendre

Quelque soit le procédé retenu, le dessalement de l’eau fait appel à des technologies le plus souvent relativement complexes qui nécessitent une réelle technicité pour les faire fonctionner dans de bonnes conditions. Par ailleurs, une précaution particulière doit être apportée au choix des matériaux utilisés en raison de la très forte corrosivité de l’eau de mer et de l’air ambiant. Les matériaux plastiques sont recommandés pour les circuits basse pression et des aciers inoxydables spéciaux pour les circuits haute pression.

7) Principaux avantages et inconvénients

a) Avantages

Le volume et la disponibilité de l’eau de mer n’ont pas de limites. Sous réserve de solvabilité de la population desservie, le dessalement de l’eau de mer est une solution possible pour alimenter les villes et villages situés près d’une côte.
Les coûts ont beaucoup baissé
depuis une vingtaine d’années de telle sorte qu’il devient une alternative économiquement viable par rapport à la construction de grosses infrastructures comprenant barrage et une conduite d’adduction sur une longue distance.

De nouveaux types de procédés et d’installations à plus petite échelle ouvrent en outre de nouvelles perspectives moins onéreuses.

b) Inconvénients

Le dessalement de l’eau de mer reste un moyen cher parmi toutes les méthodes de fabrication d’eau potable. En raison du coût élevé pour la construction et l’exploitation des grandes stations industrielles, le dessalement n’est surtout envisageable que lorsqu’il n’existe pas d’autre alternative et que la population dispose de revenus suffisants ou que s’il est réalisé avec de nouveaux procédés mieux adaptés à de petites unités.

Il rejette en outre dans le milieu marin de la saumure très concentrée en sel résultant du dessalement et pouvant affecter les écosystèmes marins surtout dans une zone de 300 m si d’importantes précautions ne sont pas prises.

8) Coûts (Construction et Exploitation)

Le coût de construction d’une unité de dessalement est très variable suivant la capacité et les conditions locales. Le coût total se situe entre 1500 à 3000 Euros par m3/jour de production pour les installations moyennes (inférieures à 1000 m3/ jour) et entre 1000 à 2000 Euros par m3/jour de production pour les grosses usines de plusieurs milliers de m3 par jour.

Le coût d’exploitation est fortement dépendant du coût local de l’énergie, principalement sous forme de chaleur pour les procédés thermiques et sous forme d’énergie électrique pour l’osmose inverse). Le coût total comprenant l’énergie, les produits chimiques, les remplacements et la main d’œuvre est donc très variable. Pour des installations industrielles, il se situe entre 0,5 et 1,5 Euros par m3 d’eau traitée suivant la taille, le procédé et du coût local de l’énergie.

9) Où s’adresser pour trouver davantage d’informations - Bibliographie ?

a) Sites Internet

- Site TPE  : Celui-ci permet d’accéder à un portail sur le dessalement où sont expliquées (partie gauche) les diverses techniques de dessalement et où se trouve (au centre) une petite vidéo montrant, en laboratoire mais sans paroles (un peu long au début) , la différence pour le dessalement entre une filtration sur sable, peu efficace, et une distillation
 http://tpedessaler.e-monsite.com/pa...

 - Sur la page de l’entreprise Suez : courte présentation du procédé de dessalement par osmose inverse : http://www.degremont.fr/fr/savoir-faire/eauxmunicipales/dessalement/osmose-inverse/procedes/

 - Wikipedia : chapitre assez court sur le « dessalement de l’eau de mer », disponible, en ligne, sur :
 http://fr.wikipedia.org/wiki/Dessalement

- Site de TMW  : Il montre les produits récents, et notamment l’Aquastill, fabriqués par cette petite entreprise innovante pour approvisionner en eau douce par des installations de petite et moyenne capacité par des installations adaptées à de petites communautés, des villages, des chantiers ou des situations d’urgence : http://www.tmw-technologies.com/wp-tmw/ecostill_produits/aquastill_dessalement/ ou www.tmw-technologies.com

b) Vidéos

- Video de 3’ de l’entreprise Suez Environnement montrant les caractéristiques et le chantier de construction d’une très grande usine de dessalement d’eau de mer à Melbourne en Australie. Disponible, en ligne, sur :
 http://blog.surf-prevention.com/201...

- Video de 4’ signalée ci-dessus (pour mémoire)
 http://tpedessaler.e-monsite.com/pa...

 



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